Le goût d’une vie meilleure

Dans son roman « La Vie suprême », Alain Bagnoud revient sur l’affaire du faux-monnayeur Farinet : homme de mérite ou imposteur ? Depuis 1873, le mythe a fait couler beaucoup d’encre. Décryptage.

A son arrivée dans le Val de Bagnes, Farinet soulève la suspicion des habitants. Des histoires sur un faux-monnayeur se propageaient dans la vallée et alimentaient les rumeurs. Un homme blond, de belle allure, était recherché pour avoir fabriqué de la fausse-monnaie.
Si l’inquiétude gagnent les villageois, la perspective de s’enrichir emballe les esprits. Farinet promettait des sacs de pièces à ses complices.

Saisir sa chance

Une bénédiction pour Stéphane Besse, arrière-arrière-grand-père de l’auteur, prêt à risquer sa liberté pour sortir de la misère. Il attendait cet instant depuis longtemps. « Quelque chose allait venir, et à ce moment-là, il saisirait sa chance, chacun en avait une dans sa vie, il ne la laisserait pas passer ».

Né dans une famille sans terre, sans fortune, hormis un jardin portager, Besse doit sa survie à un combat continuel. L’été dans les alpages, l’hiver à louer ses services pour des travaux pénibles et mal payés, il ne mangeait pas à sa faim. Mieux traité cependant que son petit frère, placé très jeune comme domestique parce que la nourriture manquait. L’enfant dormait dans un cagibi sur un lit de paille et travaillait dix-huit heures par jour.

L’engrenage des inégalités

A travers l’histoire de Farinet, Alain Bagnoud décrit la réalité implacable d’une autre époque. Au cœur de ce milieu montagnard, où chacun se connaissait, les inégalités étaient la règle. Les familles au bas de l’échelle sociale ne pouvaient espérer une quelconque amélioration, ni accéder à l’éducation scolaire. Les alliances étaient liées à la fortune, les gens aisés restaient entre eux. Alors Farinet et ses promesses de pièces avait attisé les envies de certains.

Désillusion et disgrâce 

En se liant avec Farinet, Besse y voit la chance de sa vie pour en finir avec la misère, les jours sans lendemain, et « se réjouir de la lumière du sous-bois, des insectes qui dansaient dans les rayons de soleil, des reflets argentés sur la surface de l’eau…». C’est lui qui aura le courage de commander le métal argentin et de transporter la machine en fonte avant d’être emprisonné, trahi par les complices et lâché par Farinet, en fuite.

Au fil du temps, Farinet se voit gratifié du noble dessein d’avoir voulu enrichir les pauvres et devient un héros. Alain Bagnoud revisite la légende et nous dévoile un homme manipulateur, qui vivait aux crochets de ses complices et abusait des femmes. Pas très glorieux… mais passionnant !

Ann Bandle

La Vie suprême
Alain Bagnoud

Editions de l’Aire, Vevey, 2020
Distingué par le Prix Edouard Rod 2020