Archives de l’auteur : Ann Bandle

L’envol de Sonia Araquistáin, une artiste flamboyante

mourirAprès avoir publié le portrait de Gustave Courbet dans « La Claire Fontaine », David Bosc se penche sur la destinée de Sonia Araquistáin, une artiste disparue tragiquement.

L’histoire est troublante. Sonia Araquistáin, vingt-trois ans, se suicide en sautant par la fenêtre de sa chambre un matin de septembre 1945, entièrement dévêtue. Elle vivait avec son père, ambassadeur d’Espagne, à Queensway, Bayswater.

Qui était Sonia Araquistáin, cette artiste mystérieuse dont on a jamais entendu parler? Disparue prématurément, elle a laissé peu de traces. Quelques articles parus à l’époque des faits n’éclairent guère sur les tourments qui l’ont précipitée dans le vide et attribuent son geste fatal à… un déséquilibre mental. Une hérésie pour le poète surréaliste Georges Henein qui lui rend un hommage bouleversant « …Pour que cette femme déploie l’éventail de sa chute, pour qu’elle gifle à jamais l’indolence de l’espace, pour que de son beau visage de cristal brisé, elle épouse la terre ferme, creusez… »

Dans « Mourir et puis sauter sur son cheval », David Bosc creuse les rares indices pour nous raconter cette femme si singulière. A travers un journal imaginaire, il reconstitue les moments émouvants de sa brève vie d’artiste, invente ses notes de lectures, ses projets et croquis inachevés. Sonia, que seul l’art apaise nous parle de sa passion « dans le dessin aucun trait n’est premier. Il n’y a pas de point final. …» avant de détailler « j’ai commencé un nouveau portrait de papa dans son fauteuil, je n’ai fait que l’oreille,… et ce matin, j’ai compris que je ne dessinerai plus de visages. J’ai d’abord dédoublé l’oreille symétriquement, en papillon, en adoptant le rythme des circonvolutions de la chair et du cartilage ».

Sans se soucier de l’heure ou du temps qui passe, Sonia erre de plus en plus tard dans la nuit, dévalant les ruelles londoniennes, tourbillonnant au gré de ses envies comme exaltée par une soif de liberté inassouvie. Au détour d’un chemin, elle nous glisse quelques confidences sur ses amants comme ce jeune Hongrois qu’elle a écouté pendant des heures, se laissant envelopper par cette langue « aux propriétés de parfum ».

« Je ne sais à peu près rien de la vraie Sonia, Sonia Araquistáin, des bribes, ce ne sont ici que fantaisies.… » reconnaît David Bosc. La vraie Sonia est pourtant bien présente. Une photo d’elle, à la dernière du livre, nous montre une jeune femme aux traits harmonieux, un beau visage pâle, des yeux qu’elle aurait aimé bleus. La tête légèrement baissée, elle sourit. Une belle fin pour ce roman brillant et intense.

David Bosc est né en France et vit à Lausanne depuis de nombreuses années. Il a également brossé le portrait de Gustave Courbet, « La Claire Fontaine » publié en 2013 , sélectionné pour le Prix Goncourt et lauréat du Prix Marcel-Aymé, du Prix Fédéral de littérature et du Prix Thyde Monnier de la SGDL.

Ann Bandle

 

Capucine, la plus belle fleur de Lausanne ressuscite par la grâce de…Blaise Hofmann

Capucine-Blaise_Hofmann-livre-couverture-480x240La génération Instagram trouvera son compte dans le dernier roman de Blaise Hofmann : « Capucine », cette biographie d’une star oubliée d’Hollywood qui s’est donnée la mort à Lausanne dans les années 90. Retour sur une étoile filante, amie d’Hubert de Givenchy et d’Audrey Hepburn, partenaire de John Wayne, Dick Bogarde ou Alain Delon. Même les étoiles sont mortelles. Sauf quand un romancier leur redonne vie. Et c ‘est bien ce qui arrive à la comète «Capucine» que l’écrivain Blaise Hofmann, ressuscite pour notre plus grand plaisir.

Capucine ? Un nom qui ne vous dit rien. A oui, peut être si vous êtes Lausannois, habitant du quartier dit sous-gare et que vous avez très, vraiment très bonne mémoire, vous souvenez alors peut-être du suicide, il y a déjà bien longtemps d’une femme de 62 ans. Elle s’était jetée à la fenêtre de son immeuble du 6 chemin de Primerose, à Lausanne. Elle avait été dit-on très célébre. Un fait divers tragique qui remonte à déjà plus de…25 ans. Une histoire bien triste, oubliée depuis belle lurette.

Pas pour Blaise Hofmann, qui à travers un journal fictif nous fait revivre Capucine. Un drôle de nom pour une étoile. Capucine s’appelait de son vraie nom Germaine Lefebvre, elle fut bien une star des années 50, 60 et 80, de la mode et du cinéma, à Paris et Hollywood. Capucine? Sur la couverture du « Elle « de mars 1953, on la retrouve sous l’objectif de Georges Dambier, puis de Vogue France en juillet 1954 avec le photographe Henry Clarke. Belle, lumineuse, une silhouette longiligne, rien évidemment d’une femme banale. Egérie des grands couturiers Fath, Balmain, Dior et surtout d’Hubert de Givenchy. Partenaire de cinéma de Romy Schneider, John Wayne, Peter Sellers, Peter O’Toole, Dirk Bogarde, Alain Delon….dirigée par Frederico Fellini, Charles Vidor, Blake Edwards, Joseph Mankiewicz, amie d’Audrey Hepburn, de son vivant Capucine avait su bien s’entourer et choisi avec discernement ses rôles. Dans sa filmographie figure de nombreux classiques : « L’Aigle à deux têtes », « Le Bal des adieux », « La Panthère Rose », « Le lion »,   « Quoi de neuf, Pussy Cat ? » , « Le triomphe de Michel Strogoff », « Satyricon »…. Alors comment peut-on déjà avoir oublié Capucine en 2016? Trop d’ amants disparus. Pas d’enfant, pas de descendant pour entretenir sa mémoire. Pourtant Capucine méritait bien un retour sur sa vie aussi glorieuse que tragique.

En quelques 200 pages, Blaise Hofmann part sur les traces d’une jeune fille, à la valise pas très rangée, qui de Saumur à Cinecitta, a su se frayer un chemin des caves de Saint-Germain-des-Prés à Hollywood. Capucine n’était pas Juliette mais derrière son beau sourire, la femme fleur cachait les blessures d’une enfance cabossée et quelques autres secrets. C’est ce que vous découvrirez en vous plongeant dans ce récit lucide et cruel, qui a de quoi secouer la génération Instagram sur les misères de la célébrité et l’immortalité de l’amour fou.

Béatrice Peyrani

 

La leçon de flûte de Jacques-Etienne Bovard

51F9AZHQQ2L._SX272_BO1,204,203,200_Son titre intrigant laisse d’emblée présager le malheur. En vérité, le roman de Jacques-Etienne Bovard est un manifeste à la générosité.

Tout commence par les turpitudes d’une concierge hystérique –  persuadée du bien-fondé de ses agissements  – qui sèment la discorde. Rien n’échappe à cette gardienne angoissée qui veille avec assiduité au respect du règlement, surveille faits et gestes des locataires, tous âgés et comme abandonnés dans un immeuble en décrépitude, voué à une destruction prochaine.

La solitude des aînés

Au fil des pages, on découvre les souffrances, la déchéance de ces vies qui ne tiennent plus qu’à un souffle, la solitude aussi. Tout cela, c’était avant l’arrivée de Gilles, un jeune étudiant, trahi, cocu, jeté à la rue et désormais locataire du trois pièces au dernier étage. Attentif, il anticipe les besoins des uns et des autres, se rend utile… mais agace la concierge qui s’estime dépossédée de ses tâches, humiliée.

Un Guadagnini, violon inestimable

Son voisin de palier, un octogénaire violoniste, ne s’est pas fait prier. Sans façon, il invite Gilles à dîner, rapidement il est question de violon, le sien, instrument sublime, un Guadagnini, inestimable à ses yeux non pas pour son prix exorbitant mais pour tous les souvenirs qu’il recèle… Il le donne à Gilles, à lui piètre musicien, l’émotion est vive. Il a tout à apprendre, et ce sera la première des multiples leçons, des rendez-vous quotidiens qui feront naître une amitié profonde entre ces deux êtres esseulés.

L’auteur décrit de son écriture limpide les envolées musicales de l’instrument « la rigueur du manche, l’aigu des éclisses, le tranchant des cordes ployées sur la lame du chevalet n’exprimaient plus l’intransigeance de naguère mais quelque chose de léger, d’aérien, de prometteur… ». C’est beau.

Jacques-Etienne Bovard figure parmi les écrivains romands les plus lus. Il est l’auteur de seize romans et nouvelles qui s’inspirent des paysages et des mentalités de la Suisse romande. Une leçon de flûte avant de mourir a été publié par l’éditeur Bernard Campiche en 2009.

Ann Bandle

Juliette Récamier ou l’art de la séduction

Juliette_Récamier_(1777-1849)Dans la récente biographie, L’art de la séduction, l’historienne Catherine Decours présente un portrait loin d’être flatteur sur celle qui fut la plus belle femme de son temps, Juliette Récamier. Entourée de soupirants dont les espoirs sont rarement éconduits, elle fait beaucoup souffrir « les anges aussi ont leur cruauté, narcissique, cet ange-là jouissait de son pouvoir sur autrui »  comme le note à ses dépens Benjamin Constant.

Muse et mécène, Juliette Récamier est la reine des salons parisiens du XIXème siècle. Sa beauté légendaire autant que son esprit charment les plus grands hommes de son époque. La liste est impressionnante :  Ampère, Benjamin Constant, Lucien Bonaparte, Auguste de Prusse, Saint-Beuve, Victor Hugo et, au-dessus de la mêlée, René de Chateaubriand avec qui elle noua une liaison de près de 30 ans.

Durant ses multiples voyages en Suisse, la belle Juliette séjournait chez Germaine de Staël au Château de Coppet, où elle disposait d’une chambre attitrée. Et c’est au sein du cénacle d’intellectuels qui entourait son amie qu’elle rencontra pour la première fois Chateaubriand. Comme tant d’autres avant lui, l’écrivain fut bouleversé par sa beauté. De Coppet à Paris, ils se reverront grâce à l’initiative de Germaine de Staël. La suite est une romance qui dura jusqu’au dernier jour de Chateaubriand…

Ann Bandle

Juliette Récamier – L’art de la séduction – Catherine Decours publié aux Editions Perrin

Une amie de Coppet au Grand Palais

IMG_6403Pour la première fois à Paris, une exposition d’envergure rend hommage à l’artiste femme la plus célèbre du XVIIIème siècle, Elisabeth Louise Vigée Le Brun. Durant son exil, la Suisse a été  sur le chemin de la portraitiste de Marie-Antoinette.

 Belle, talentueuse et pleine d’esprit, Louise Vigée Le Brun a connu la gloire dans toutes les cours d’Europe. Durant sa longue vie (86 ans), elle va réaliser 660 portraits et plusieurs paysages. Et pourtant, cette femme que le Tout-Paris s’arrache au XVIIIème siècle n’avait fait l’objet d’aucune rétrospective dans un grand musée européen. L’oubli est désormais réparé. A Paris, le Grand Palais présente 260 ans après sa naissance près de 150 tableaux, dont les portraits de la Reine Marie-Antoinette et de sa descendance, ceux-là mêmes qui l’ont propulsée dans les hautes sphères.

A onze ans, son père Louis Vigée, excellent portraitiste de la haute bourgeoisie, lui prédit « Tu seras peintre, mon enfant, ou jamais il n’en sera ! ». Homme cultivé, il aimait s’entourer de musiciens et des grands esprits de son temps. C’est dans cette effervescence artistique stimulante et sous le regard paternel bienveillant qu’elle acquit les notions de dessin et les rudiments de l’art du pastel. « La passion de la peinture est innée en moi » clame-t-elle, une passion qui est à la mesure de son prodigieux talent. Autodidacte, elle s’inspira aux prémices de son art de la technique d’autres peintres, tels que Greuze ou Vernet, copia leurs œuvres pour se faire la main tout en affinant son propre style.

Sa sensibilité artistique se dévoile dans les premiers portraits de son frère et de sa mère qu’elle réalise à 14 ans et qui suscitent l’admiration dans Paris. Remarquée, Louise s’impose très vite dans la société de son temps. Elle séduit par sa conversation durant les longues séances de pose et se lie d’amitié. La peinture étant le seul moyen d’avoir un portrait de soi, les commandes affluent, elle applique les tarifs les plus élevés et gagne bien sa vie. La célébrité viendra ensuite.

Au cours de l’une de ses promenades au Jardin des Tuileries qu’elle affectionne, distraction de l’époque pour voir et être vu, elle rencontre la Duchesse de Chartres, protectrice des artistes. Par son entremise, la porte de la Reine Marie-Antoinette s’ouvre… Les nombreux portraits qu’elle réalisa de la Reine sont tous d’une grande beauté, gracieux, peu importe s’ils adoucissent discrètement les défauts, la Reine s’y reconnaît.

A l’apogée de son succès, la Révolution lui fait prendre le chemin de l’exil. « Avant la Révolution, les femmes avaient le pouvoir, la Révolution les a détrônées », dira-t-elle en traversant toute l’Europe sans cesser pour autant de peindre. Un voyage qui l’amène tout naturellement en Suisse, au Château de Coppet où elle séjourne. Séduite par la beauté des paysages, elle s’exerce à les reproduire et nous laisse un tableau étonnant sur la fête des bergers à Unspunnen près d’Interlaken, elle y assiste en compagnie de son amie Germaine de Staël le 17 août 1808. L’œuvre est présentée au Grand Palais jusqu’au 11 janvier 2016.

Ann Bandle

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Pourquoi la Suisse est le pays le plus heureux au monde

Selon l’historien François Garçon*

534A4D7C7C393739313032313030373436387C7C434F50Damier : Pourquoi avez-vous écrit « La Suisse, pays le plus heureux du monde » 

François Garçon : Pour une double raison. La première, est une blessure d’enfance probablement jamais cicatrisée. Suisse par mon père, mais Français par ma mère, je n’ai cessé d’entendre des remarques désobligeantes sur la Suisse de la part d’un oncle maternel. Enfant, j’étais blessé de subir des moqueries sur l’accent traînant des Suisses romands et autres stupidités du même tonneau mais, en l’absence de mon père, je n’étais pas en âge de me défendre sur le sujet. Plus tard, devenu adulte, j’ai continué à être sidéré par l’imbécilité du personnel politique français sur la Suisse. Souvenez-vous du remue-ménage de Nicolas Sarkozy à Interlaken en mai 2014 : il venait d’être battu aux élections présidentielles et, en visite dans la Confédération, un pays voisin et ami, où 150’000 Français frontaliers viennent tous les jours travailler, il s’offrait le luxe de critiquer le système politique suisse et plus particulièrement sa présidence tournante. Quelle arrogance de la part d’un ancien chef de l’Etat français de célébrer un modèle présidentiel français (alors que le pays est en quasi faillite) et de critiquer le soi-disant archaïsme de la gouvernance helvétique où sept conseillers fédéraux se repassent à tour de rôle la présidence ! Prestation carrément surréaliste pour qui veut bien se souvenir que la Suisse est l’un des pays les plus prospères du monde : avec un taux de chômage de moins de 3%, un salaire médian de près 6000 euros, une démocratie directe participative qui fonctionne.

Damier : Depuis la visite de François Hollande en Suisse en avril dernier, les relations franco-suisses se sont améliorées ? 

François Garçon : Il est sans doute le premier président français à s’intéresser sincèrement à la Suisse. Mais pour les médias comme pour la classe politique française, la Suisse doit toujours et encore sentir le souffre et rimer avec corruption, évasion fiscale, islamophobie…

Damier : Il est vrai que la presse française s’est plus appesantie sur le dossier des évadés fiscaux en Suisse que sur le réel contenu de la visite de François Hollande, qui avait pourtant consacré une large partie de son voyage à Zurich au contrat d’apprentissage.

François Garçon : Oui, l’apprentissage des jeunes, qui fait – entre autres – la force de l’économie suisse, est boudée par les médias français qui préfèrent faire et refaire le nième sujet sur un membre de l’establishment français plutôt que de se pencher sur ce dossier et de voir comment le système suisse surpasse le modèle d’apprentissage en France bien entendu, mais aussi en Allemagne ou en Grande Bretagne. Je me suis heurté au refus de grandes chaînes françaises quand je leur ai proposé d’enquêter sur ce sujet. Pas assez vendeur pour eux ! Leur politique éditoriale est irresponsable. Près de 150’000 jeunes sortent du système scolaire français illettrés et sans formation. Ils sont autant de bombes à retardement dont les éléments les plus perturbés feront le voyage vers la Syrie. Espérons qu’ils y restent, et plaignons les Syriens ! Quant à l’aveuglement persistant des médias français sur le vrai visage de la Suisse, pays dynamique et innovant, qui a su recréer des emplois industriels (57’000 entre 2005 et 2008) avec un niveau de salaire élevé, là encore rien de nouveau. La Suisse reste attractive et pas pour sa seule attractivité fiscale, n’en déplaise aux politiciens français. Elle offre des infrastructures de qualité, sait former des personnels qualifiés grâce à un système éducatif performant à tous les niveaux. Anecdotiques pour les journaux français, qui s’enivrent toujours des mêmes sujets, ceux qui ont fait la prospérité médiatique de Jean Ziegler : l’argent sale, le trafic des banques, les fonds juifs en déshérence…Paradoxalement, la presse française dite de droite a encore plus peur de vanter les succès économiques de la Suisse. La presse française dans sa globalité reste parisienne et jacobine. Le modèle fédéral suisse et sa réussite ne sont pas des sujets pour elle. L’exotisme helvétique est suspect, suspecté d’être inintelligible pour le lecteur français. On est face à une vraie désinformation sur la Suisse sur fond de paresse intellectuelle et de nombrilisme franchouillard.

Damier : Néanmoins le vote du 9 février « sur la fin de l’immigration massive » et la politique du franc fort risquent de fragiliser le leadership suisse ?

François Garçon : Force est de constater que sur le volet du franc fort, les entreprises et leurs personnels ont su s’adapter. Certaines, très exportatrices, sont passées de 42 à 45 heures sans bruit ni murmure. On est loin du hooliganisme « à la Air France » pour améliorer la productivité des personnels les mieux rémunérés. Pour ma part, je suis confiant sur l’adaptabilité et l’intelligence des Suisses. Le contentieux avec la Communauté économique européenne à propos de la libre circulation, me semble, lui, beaucoup plus complexe. Lors de la votation du 9 février, il est faux de dire que le pays s’est montré xénophobe. Les grandes villes comme Bâle, Genève, ou encore les cantons de Vaud et du Jura, où les taux d’immigrés avoisinent parfois les 45%, ont rejeté l’initiative. En revanche, c’est la Suisse des campagnes et des montagnes – où les étrangers sont pourtant peu nombreux – qui a plébiscité l’initiative, preuve que le pays intègre donc plutôt bien ses immigrés. Néanmoins la votation du 9 février a mis la Suisse en porte-à-faux vis-à-vis de ses engagements envers la Communauté européenne. Devant la Confédération se dresse désormais une sacrée paroi : les conseillers fédéraux vont devoir discuter avec des technocrates dogmatiques, jamais élus par leurs propres concitoyens. Le dialogue s’annonce compliqué, tout comme les solutions qui vont devoir être trouvées. Mais je fais confiance à l’administration suisse pour négocier des aménagements. La Confédération est une magnifique démocratie où les cantons et les administrations restent à l’écoute et au service de leur population. Il est vrai que les citoyens suisses ont en mains deux armes de destruction massive qui s’appellent le droit de référendum et l’initiative populaire. A bon entendeur, salut !

*Maître de conférences à l’Université Paris 1 où il a créé en 2006 le Master 2 professionnel Cinéma-Télévision-Nouveaux Médias – Docteur en histoire (Universités de Genève et d’Oxford -St Peter’s College), co-lauréat du prix d’histoire Gustave Ador, lauréat d’une bourse Besse (Oxford) et du Fonds National Scientifique suisse.

La Suisse, pays le plus heureux du monde », aux éditions Tallandier par François Garçon

Entretien réalisé par Béatrice Peyrani

La Suisse de Marthe Keller, rencontre avec une actrice cosmopolite et sans langue de bois

2549_3652_image«Les Suisses sont complexés à tord….Ici la qualité de vie est exceptionnelle, l’économie, la nature, cela crée aussi de la  jalousie côté français mais attire les étrangers». 

C’est l’affluence des grands soirs dans les salons du Lausanne Palace. Pas une table de libre, ni au bar, ni dans un petit salon sur le côté. Dans le hall, il reste bien ce canapé et deux fauteuils, drôle d’endroit pour une rencontre avec une star, qui ne devrait guère être propice aux confidences. Qu’importe si l’endroit manque un peu d’intimité pour Marthe Keller : «ce sera parfait », assure-t-elle, l’actrice n’est pas là pour parler d’elle. Depuis le festival de Cannes et la sortie d’Amnesia de Barbet Schroeder, elle enchaîne les entretiens avec les journalistes du monde entier et vient de finir quatre films en une année. Ereintée, elle a frôlé l’été dernier le burnout, elle n’a plus envie de se raconter. Pas ce soir, du moins. Elle est venue ce jeudi à Lausanne pour honorer un prix. Mais elle s’est renseignée, le dernier train pour Martigny part à 22 heures. Elle a gentiment décliné l’invitation du directeur du Palace qui lui offrait de l’héberger. Non, elle montera chez elle à Verbier. Elle a besoin de « rentrer à la maison », de voir la nature, les montagnes, les marronniers, les sapins. Oui, si Marthe Keller a accepté de nous rencontrer, ce soir, nous les fondatrices de Damier, ce n’est pas pour parler une énième fois de sa vie, mais c’est seulement parce qu’elle trouve l’idée d’une association en faveur de la culture franco-suisse formidable. Quand j’ai entendu « culture franco-suisse » j’ai tout de suite accepté notre rencontre, cela me parle, une situation a laquelle j’ai été moi-même confrontée, il y a un réel besoin d’échanger… L’activité culturelle en Suisse est exceptionnellement dense et c’est réjouissant… Je soutiens votre initiative, je suis même disposée à être marraine d’un événement culturel franco-suisse ».

Suisse, Marthe Keller est née (à Bâle), suisse elle est restée dans son cœur, même si elle a vécu plusieurs années aux Etats-Unis, parle couramment quatre langues et vit en grande partie à Paris. Ses collaborations avec la scène helvétique sont encore peu nombreuses et récentes, dans une carrière bien remplie et multi-facettes (cinéma- télévision-théâtre-mise en scène d’opéra au Metropolitan s’il vous plaît), qui a démarré en fanfare et trompette avec Philippe de Broca… en 1968 sans jamais ralentir. Incroyable le temps ne semble pas avoir de prise sur l’inoubliable interprète de Fedora.

Son lien avec la Suisse, son histoire avec Bâle n’est pourtant pas si simple. Son père a quitté l’Allemagne nazie, il est venu se réfugier en Suisse. Il élevait des chevaux. Comment est -il venu? Comment a-t-il vécu son exil? Marthe Keller avoue n’en avoir jamais parlé avec lui, vraiment. « On est inconscient, quand on est jeune, on veut s’amuser ». Ce jeudi 8 octobre, la comédienne n’en dira pas plus sur le sujet. Mais diable, la terrible actualité de ces jours, les guerres aux portes de l’Europe, l’afflux de migrants, lui parlent. « Je m’intéresse à la politique, vous savez ». Le questionnement sur l’identité, les origines, les racines jalonne depuis toujours le choix de ses rôles que ce soit au théâtre avec Tchechov (Les Trois Sœurs ), James Joyce (Les Exilés), avec Yannick Haenel (Jan Karski), à la télévision avec le réalisateur Denis Malleval dans « Le Lien » où Marthe Keller joue le rôle d’un professeur qui retrouve sa petite fille, qu’elle croyait disparue dans la Shoah, ou tout récemment sur le grand écran avec « Amnesia ». Un film, où elle incarne une femme qui, apprenant l’existence des camps de concentration, se refuse à l’avenir de parler sa langue natale : l’allemand. Longtemps, l’allemand a été la seule langue que parle Marthe Keller couramment. Pourtant bizarrement la Suisse aujourd’hui pour elle, c’est surtout la Suisse romande, celle où on parle le français. Mais pour elle pas question de s’y tromper, les Suisses romands ne sont pas des Français et vis et versa. « Les Suisses sont complexés à tord, ils ont leurs qualités : sens du détail et de la précision, du graphisme, ce n’est pas un hasard s’ils sont excellents pour l’horlogerie ou les … documentaires. Ils ne parlent pas ou peu, mais s’observent entre eux… Je me souviens, enfant, ma mère m’avait donné un coussin pour m’accouder à la fenêtre! Mais les Suisses, ont une vraie gentillesse, une grande tolérance. Ici, en Suisse, la qualité de vie est exceptionnelle, l’économie, la nature, ce qui crée aussi de la jalousie du côté français et attire les étrangers. Le multiculturalisme que l’on trouve en Suisse avec un taux élevé d’étrangers pouvant atteindre 38% et les 113 communautés recensées en sont la preuve. Mais pour être franche, je suis pour l’Europe, mais contre l’intégration de la Suisse à l’Union Européenne, la Suisse est un trop petit pays géographiquement. »

Comment vit alors cette vraie Suissesse à Paris? « De plus en plus difficilement, avoue-t-elle. Comme dans toutes les grandes villes du monde, l’air est mauvais, l’ambiance, la circulation, le stress, ne me conviennent plus, j’ai besoin de calme et de la nature. J’aimerais m’installer aux abords d’une petite ville, comme Trouville (qu’elle a redécouvert en septembre dernier quand elle a été juré du Festival américain de Deauville), j’aime l’eau… ». De l’espace, de l’air, du calme, de la sérénité, c’est que Marthe Keller avoue rechercher de plus en plus souvent en Suisse.

Echanger pour mieux se comprendre, le programme de Damier plaît à Marthe Keller, elle aimerait nous aider, monter des spectacles avec nous, faire des lectures, dans toute la Suisse. Qui sait le rendez-vous sera peut-être pour bientôt.

Propos recueillis par Béatrice Peyrani et Ann Bandle

Impressions de Jean-Jacques Rousseau sur Genève

41cxNMxlNgL._SY445_En passant à Genève je n’allai voir personne; mais je fus prêt à me trouver mal sur les ponts. Jamais je n’ai vu les murs de cette heureuse ville, jamais je n’y suis entré sans sentir une certaine défaillance de cœur qui venait d’un excès d’attendrissement. En même temps que la noble image de la liberté m’élevait l’âme, celles de l’égalité, de l’union, de la douceur des mœurs me touchaient jusqu’aux larmes et m’inspiraient un vif regret d’avoir perdu tous ces biens. Dans quelle erreur j’étais, mais qu’elle était naturelle ! Je croyais voir tout cela dans ma patrie parce que je le portais dans mon cœur. Jean-Jacques Rousseau – Les Confessions

 

Jeûne fédéral, une célébration moyenâgeuse

imagesSolennel pour les uns, ordinaire pour les autres, le Jeûne fédéral est un jour historique ancré dans la culture suisse. Tout a commencé au XVè siècle par des journées de jeûne imposées au peuple, aussi bien dans les cantons protestants que catholiques. Craintes de représailles, guerres et autres catastrophes naturelles figuraient parmi les raisons invoquées pour dédier du temps à la prière et au recueillement. « Quand le ventre est vide, l’esprit s’élève mieux vers Dieu» abonde dans ce sens le réformateur français Jean Calvin.

Il faudra attendre jusqu’en 1832 pour que soit instauré par la diète un jour précis, le troisième dimanche de septembre, à cette célébration d’action de grâce. Une décision qui n’est pas du goût des genevois qui n’entendent pas s’y soumettre ni renoncer à leur propre « Jeûne genevois» du jeudi, institué après le massacre de la St-Barthélémy et décrété jour férié.

Au fil des ans, la signification religieuse tend à s’atténuer alors que les milieux ecclésiastiques invitent au rassemblement. Il n’en reste pas moins que la tradition de se restreindre en substituant un repas par une tarte aux pruneaux, saison oblige, demeure immuable dans certains cantons. Une pénitence que l’on subit volontiers.

Ann Bandle

Rentrée gourmande : en Suisse aussi !

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Le Chou-Chou praliné noisette de Jean-François Piège

Les inaugurations sont moins médiatisées qu’à Paris, mais la semaine du goût qui débutera le 17 septembre pour dix jours dans tout le pays devrait permettre quelques belles découvertes sur tout l’Arc Lémanique.

A Paris, c’est la troisième rentrée de la saison, après celle des écoliers et des écrivains, celles des chefs. Etoilés ou non, ils sont nombreux à choisir l’automne pour ouvrir, ré ouvrir une nouvelle table à Paris, en quête de lauriers et de succès. Pour le Figaro, c’est sûr pas moins d’une vingtaine de restaurants devraient se tailler la vedette ces prochaines semaines, comme Christian Constant qui inaugure une deuxième adresse avec  ses fameuses « Cocottes », qui après la rue Saint-Dominique, rive gauche, s’installent aussi rive droite au sein du Sofitel Arc de Triomphe, avenue Bertie-Albrecht ou le très médiatique Christophe Michalak qui s’apprête à ouvrir une très gourmande pâtisserie dans le Marais. Pizzerias ou italiens branchés (Capucine, Faggio dans le IXème arrondissement), restaurants gastronomiques (Le grand restaurant de Jean-François Piège dans le VIIIème, Le Balcon à la nouvelle Philarmonique dans le XIXème), bars à vins (le Boudoir dans le VIIIème, le Gravity dans le Xème) comptoirs world-food (Desi Road, rue Dauphine dans le VIème) la palette paraît large.

En Suisse, pour l’heure, moins de battage médiatique. Pourtant si la presse romande tarde à nous révéler les nouvelles tables helvétiques à suivre cet automne, nul doute que cela ne devrait pas tarder. Rien qu’à Genève, près de 600 restaurants et cafés changent de main par an. Alors autant dire qu’il a y de quoi explorer. Et pour se mettre tout de suite en appétit et passer soi–même aux travaux pratiques, pas de temps à perdre, il faut se brancher vite sur le site de  la Semaine du goût. Cette manifestation hautement festive se déroulera du 17 au 27 septembre et promet en autres de belles découvertes sur tout l’Arc Lémanique.

Béatrice Peyrani

« Crans-Montana » où l’adolescence à cran des années 60

Cela fait 9782709650458-X 2belle lurette que ça dure, les montagnes suisses tour à tour salvatrices, mystérieuses, ensorcelantes ou démoniaques savent inspirer les meilleurs auteurs. Thomas Mann avait flairé le coup dans « la Montagne Magique » où il avait campé le voyage initiatique et philosophique de son héros Hans Castorp dans un sanatorium de Davos dans les années 30. Plus près de nous, c’est le cinéaste Olivier Assayas qui n’avait pas résisté à la magie de Sils Maria, petit village alpin de l’Engadine, pour mettre en scène la rencontre de deux actrices l’une débutante (Kristen Stewart) et l’autre déjà starisée (Juliette Binoche).
Mais en cette rentrée littéraire 2015,  c’est au tour d’une autre station chic du Valais de rafler la vedette : Crans-Montana : un roman à la couverture rouge à peine sorti et auréolé de critiques élogieuses. Son auteur, la genevoise Monica Sabolo n’en est pas à son  premier coup d’essai. Elle avait reçu en 2013 le Prix de Flore pour Tout cela n’a rien à voir avec moi.

Crans-Montana en est en quelque sorte la suite. Le récit se passe dans les années 60, où les parents de l’auteur, et l’auteur elle-même ont passé certaines vacances d’été et d’hiver. Pas de dialogues haletants dans ce roman, mais des portraits de filles en fleur vues par des garçons issus de la grande bourgeoisie européenne. Changement de point de vue ensuite, avec la version des filles, trois amies inséparables Chris, Charlie et Claudia, objets de tous les regards et de tous les fantasmes, qui vont dessiner elles-mêmes leur version du film. Crans-Montana,  rendez- vous mondain d’une jeunesse dont les parents avaient décidé d’oublier la guerre, ses privations, ses trahisons. Pour le meilleur : s’amuser. Ou pour le pire : se dérober, s’enivrer ou s’embourber. Tout pourrait être si simple, si facile sur ces montagnes insensibles aux premiers tumultes des années 70. Ce serait sans compter sur les personnages de Monica Sabolo, qui derrière les murs de leurs chalets douillets cachent trop bien leur solitude, leurs blessures secrètes, leurs amours déçues avant même d’avoir été vécues.

Béatrice Peyrani

A ne pas manquer : François Chaslin invité au Livre sur les quais pour sa biographie sur Le Corbusier

Unknown Architecte, professeur et auteur, François Chaslin brosse un portrait contrasté sur celui qui deviendra l’architecte le plus célèbre du XXe siècle, Charles-Edouard Jeanneret, dit Le Corbusier. Il entreprend avec minutie une recherche documentaire fouillée sur celui qu’il qualifie d’architecte audacieux et de théoricien de qualité avec une capacité et une puissance d’expression qui fascinent…, et que l’on célèbre aujourd’hui encore. François Chaslin sera en dédicace à Morges: Le livre sur les quais du 4-5-6 septembre 2015. A écouter, son entretien sur France Culture.

Vingt-quatre journées dans la vie de Madame de Staël

C’est une biographie originale que nous dresse Laurence de Cambronne non sans avoir lu au préalable l’abondante correspondance, quelque mille lettres, de Germaine de Staël.

L’auteur décrit les grands moments de la vie de celle qui faisait trembler Napoléon et qui fut à l’origine du romantisme. Immensément fortunée et généreuse, en avance sur son temps, Madame de Staël milita pour les idées libérales et publia pas moins de quinze ouvrages qui seront lus dans toute l’Europe. Ce nouveau portrait nous plonge dans la vie bouillonnante, haute en rebondissements, de cette femme de passion et de liberté qui marqua son époque et bien au-delà.

 

L’inoubliable Germaine de Staël

Près de 200 ans après sa disparition, Germaine de Staël fascine toujours autant. Plusieurs manifestations nous plongent dans la vie palpitante de celle qui fut l’une des femmes les pluimagess influentes de son temps:

  • Du 15 au 19 juin, le festival de théâtre Autour de Madame de Staël  a investi le Château de Coppet, là où jadis Germaine de Staël recevait Benjamin Constant, Rousseau, la belle Juliette Récamier… Son salon très convoité n’a guère changé, l’aménagement est resté intact. Ouvert au public, il mérite de s’y attarder.
  • Jusqu’au 13 septembre, Germaine de Staël est aussi présente dans le cadre de l’exposition Les livres de la liberté de la Fondation Martin Bodmer. Manuscrits, lettres et livres rares des inspirateurs du libéralisme politique et économique y sont largement commentés.
  • Dès cet automne, trois conférences avec pour thème De l’Allemagne, l’œuvre qui suscita la colère de Napoléon, sont organisées par les Rencontres de Coppet. Un concert littéraire inspiré du romantisme, mêlant musique de chambre et poésie, clôture le programme.

Alors que les biographies sur Germaine de Staël sont nombreuses, un nouveau livre sur la femme qui faisait trembler Napoléon, vient de paraître. L’auteur, Laurence de Cambronne, rend hommage à celle qui restera inoubliable.

Hollande célèbre l’entrée de quatre résistants au Panthéon. Qui sont les deux Suisses du Panthéon?

Lors de la cérémonie de panthéonisation, François Hollande a rendu hommage à quatre résistants français, personnalités exceptionnelles, qui incarnent l’esprit de la Résistance : Germaine Tillion, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Pierre Brossolette et Jean Zay «indissociablement soudés par le même amour, l’amour de leur patrie » a lancé le chef de l’Etat. Son long discours, annoncé comme l’événement charnière de son quinquennat, honore quatre destins «qui donnent chair et visage à la République en rappelant les valeurs» et symbolisent «la constance, l’engagement et le courage …» .

Seuls deux Suisses figurent parmi les panthéonisés : le banquier d’origine neuchâteloise Jean-Frédéric Perregaux, qui fut l’un des commanditaires du coup d’Etat du 19 brumaire, et Jean-Louis-Ebénézer Reynier, né à Lausanne, Général de division, Ministre de la Guerre et de la Marine du Royaume de Naples et Commandant du corps des Saxons.

Jean-Frédéric Perregaux (1744-1808)

200px-Jean-Frédéric_PerrégauxAppartenant à l’une des plus anciennes familles neuchâteloises, Jean-Frédéric Perregaux s’installe à Paris dès la fin de ses études, à vingt-et-un ans, et travaille pour Jacques Necker, futur ministre des finances de Louis XVI. En 1781, il fonde sa propre banque avec l’aide du financier Jean-Albert Gumpelzhaimer. Sa clientèle, constituée d’aristocrates anglais et français, dont la célèbre Germaine de Staël,  prospère rapidement.  Fortune établie, il acquiert un hôtel à la Chaussée-d’Antin, le plus beau de la rue, à l’instar de son confrère Jacques Récamier. Féru d’opéra et de théâtre, Perregaux se montre un mécène généreux et se lie d’amitié avec plusieurs artistes. Lors de la Révolution française, inquiété pour son implication dans plusieurs affaires compromettantes, il quitte précipitamment Paris pour la Suisse, mais pas pour longtemps. Sous le Directoire, il retourne à Paris et rétablit ses relations. Proche de Bonaparte, il fut l’un des commanditaires du coup d’Etat du 19 brumaire. Il en sera récompensé, Bonaparte le nomme conservateur au Sénat et Régent de la Banque de France. Décédé en 1808, ses cendres sont enterrées au Panthéon.

Jean-Louis-Ebénézer Reynier (1771-1814)

250px-Général_Jean_Louis_Ebénézer_ReynierFougueux Général de la Révolution du Premier Empire, Reynier naquit à Lausanne en 1771. Après ses études à l’Ecole des Ponts et Chaussées à Paris, il fut nommé ingénieur de l’armée du Nord. Ses aptitudes à concevoir des plans d’attaque pertinents et à mener les troupes ont été vite reconnues. Successivement adjoint à l’état major, adjudant-général, général de brigade de la division du Général Joseph Souham, chef d’Etat-major de l’armée du Rhin qui traversa l’Egypte et la Syrie. Une campagne qu’il détaille dans ses mémoires passionnantes, annotées d’observations personnelles « Si les ruines magnifiques des temples de la Haute-Egypte sont des monuments d’habilité dans les arts, n’en sont-ils pas aussi de l’esclavage… ». A la tête de l’armée d’Italie, il s’empara du Royaume de Naples et en devint Ministre de la Marine et de la Guerre. Il mourut à l’âge de 43 ans à Paris et repose au Panthéon.

Ann Bandle

La face noire du Corbusier

LeCorbusierAlors que le Centre Beaubourg présente à Paris une rétrospective sur Le Corbusier à l’occasion des 50 ans de sa disparition, pas moins de trois biographies reviennent sur les facettes plus controversées du père de la cité radieuse de Marseille, notamment ses liens avec les fascistes français du Faisceau de Georges Valois et le régime de Vichy 1930 et 1944.

« Le Corbusier, une froide vision du monde », de Marc Perelman, Michalon.

François Chaslin « Un Corbusier » Seuil,

Xavier de Jarcy   « Le Corbusier, un fascisme français » Albin Michel.

Médias français et suisses sont pour une fois en phase sur la nécessaire relecture de l’héritage d’un des plus grands architectes du XXème siècle.

Pourquoi ce blog de décryptage de l’actualité culturelle vu de Lausanne ou Paris

Blaise_pascalEn 2015, le constat de Blaise Pascal transposé à la Suisse et non à l’Espagne « Vérité en deçà du Léman et des Alpes, erreur au-delà » reste plus que jamais d’actualité.

Même à l’ère d’internet, force est de constater que la position géographique, les cultures, les mentalités et même la santé économique d’un pays… façonnent les points de vue de ses habitants et donc de ses médias.

A Paris ou à Lausanne, un chiffre, une image, un fait ne sont pas vus , commentés ou lus de façon identique ? Faut il s’en étonner ou s’en interroger ? Le déplorer, s’en amuser ou s ‘en réjouir? A vous internautes d’ en juger et d’en débattre avec nous. C’est du moins l’ambition du blog de Damier, repérer chaque mois, dans l’abondance de l’actualité, des nouvelles petites ou grandes, stratégiques ou anecdotiques, qui dans la Confédération Helvétique ou l’Hexagone ont été rapportées par les medias de part et d’autre de la frontière mais de façon bien différentes.

Aurait-on pu rejouer le film ou la pièce autrement ? En proposer une autre traduction ou une nouvelle interprétation ? C’est à vous, lecteurs du blog de Damier suisses, français, francophones ou non, mais tous francophiles qui au fil des semaines et des mois, par vos contributions en décideront. Histoire de nouer les fils d’un nouveau dialogue fort et constructif deçà du Léman et au delà des Alpes.

Visite d’Etat du président François Hollande, un événement vu la rareté des visites

En un siècle seuls quatre chefs de l’Etat français ont jugé utile de faire le voyage jusqu’ à Berne! Qu’on en juge :

Hasard ou pas du calendrier, le président Hollande choisit de venir 32 ans jour pour jour après la visite de son prédécesseur socialiste François Mitterrand.

Pourtant si les medias suisses couvrent largement la visite de François Hollande, en mettant l’accent sur les recettes du succès de l’économie suisse, les journaux français privilégient les sujets de tension comme le contentieux fiscal certes en voie de règlement et la libre circulation des citoyens européens qui promet encore de nombreux débats.

Côté Suisse, c’est bien le dégel des relations franco-suisses qui prime.

  • Le Temps 15 avril 2015 François Hollande en Suisse ou la fin de l’ère glaciaire.
  • Le Temps 17 avril 2015 François Hollande a arpenté une Suisse qui innove.
  • Le Temps 18 avril 2015 François Hollande, nouvel ami de l’économie.
  • Le Temps 21 avril 2015 Bilan d’une visite réussie.

RTS Le journal de 19h30 présenté par Darius Rochebin consacre le 16 avril plus de 11 minutes à la visite de François Hollande « qui termine sa visite à Ouchy là ou il faisait du bateau enfant avec ses parents ». Ouchy, les vertus de l’apprentissage suisse, les succès de l’EPFL et un édito sur les leçons à tirer de ce voyage, la RTS revient en détails sur la journée particulière de François Hollande. Pas d’accord spectaculaire, mais un climat apaisé entre les deux pays. La fin du secret bancaire suisse a permis à la France de récupérer des centaines de millions d’euros. La Suisse espère avoir trouvé en la France sinon un allié – un interlocuteur attentif sur le sujet délicat de la circulation des travailleurs européens. Il n’a pas échappé à la RTS que François Hollande a souvent évoqué le sort des 150 000 frontaliers français qui viennent travailler en Suisse reconnaissant implicitement que ce qui n’est à priori qu’un problème suisse pourrait devenir un problème de plus pour la France si un accord n’est pas trouvé avec Bruxelles.

24 Heures 16 avril 2015 A l’EPFL François Hollande salue « le miracle suisse ». Les succès de l’économie suisse ont laissé de marbre les médias français qui ne s’écartent pas du binôme fiscalité-immigration.

Le Figaro 15 avril 2015 Hollande en Suisse pour solder la brouille fiscale.

Les Echos 15 avril 2015 Les Echos La réconciliation franco -suisse à l’épreuve des quotas

Le Monde 16 avril 2015 Le Monde reste sceptique : « Hollande dit croire à l’aide suisse». Pédagogue, le grand quotidien du soir croit bon toutefois de faire un article sur les raisons de la non célébrité de la cheffe de l’Etat Suisse. « Pourquoi ne connaît-on pas la chef de l’Etat suisse ».

Et oui les Suisses sont gouvernés par un conseil fédéral de six membres, dont la présidente n’a qu’une fonction représentative et dont le mandat ne dure qu’un an, pourtant la majorité d’entre eux connaissent bien le nom du chef de l’Etat français. Question de durée de mandat ou de simple curiosité ?

Quant à TF1, elle n’a pas résisté à l’envie de raconter avec moult détails le coup de chaud d’un soldat suisse lors du passage en revue des troupes par François Hollande à Berne, le 15 avril 2015.

Humour aussi au menu pour Le Parisien du 15 avril 2015 qui s’offre un « Hollande perce le coffre-fort suisse ». Rappelant toutefois que la France est bien rentrée en campagne pour gagner les Jeux Olympiques de 2024.

Le Parisien 16 avril 2015   JO 2024 : l’opération séduction de Hollande en Suisse avocat à Lausanne de la candidature de Paris