Archives de catégorie : CHRONIQUE

La Méditerranée de Fernand Braudel


Jeune professeur d’histoire en 1939, il devait écrire sa thèse sur la Politique étrangère de Philippe II en Méditerranée au XVIème siècle. Mais la vie et la guerre en ont décidé autrement. Après la débâcle française, Fernand Braudel est fait prisonnier en Allemagne pendant cinq ans.  Il réussit grâce à sa seule et prodigieuse mémoire à rédiger ce qui allait devenir non plus un ouvrage sur les conquêtes du roi d’Espagne au XVIème siècle, mais un livre sur La Méditerranée, Philippe II devenant lui seulement une figure de second plan derrière la « mare nostrum ».

« Dans ce livre, les bateaux naviguent ; les vagues répètent leur chanson ; les vignerons descendent des collines de Cinque Terre, sur la Riviera génoise ; les olives sont gaulées en Provence et en Grèce ; les pêcheurs tirent leurs filets sur la lagune immobile de Venise ou dans les canaux de Djerba ; des charpentiers construisent des barques pareilles aujourd’hui à celles d’hier. Et cette fois encore, à les regarder nous sommes hors du temps. Ce que nous avons voulu tenter, c’est une rencontre constante du passé et du présent », prévient l’historien dans laquelle les personnages centraux ne sont plus des rois, des guerres et des événements politiques…mais la mer d’Homère, ses montagnes des Alpes aux Apenins, du Taurus aux Balkans, des Pyrénées à l’Atlas, ses champs d’oliviers, de vignes ou de blé, ses civilisations entassées les unes sur les autres.

De Naples à Cargèse

En ces temps de confinement, se plonger dans l’un des ouvrages phares d’un homme qui a magistralement réfléchi aux différents temps multiples de l’Histoire : brefs, longs, voir très longs qu’un même être humain peut appréhender au long de sa vie…prend tout son sens.

Alors pour rejoindre Naples, Carthage ou Constantinople et remonter le temps, quoi de mieux que de télécharger sur sa tablette (afin d’éviter d’encombrer les services postaux) La Méditerranée, la version numérique grand public de « La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II », proposée et préfacée par un autre grand connaisseur du monde d’Homère, le professeur François Hartog dans la collection Champs Histoire chez Flammarion.

L’aventure peut alors commencer et tout défile sous la plume de Braudel, le monde romain au Liban, la préhistoire en Sardaigne, les villes grecques en Sicile, la présence arabe en Espagne, l’islam turc en Yougoslavie. Berceau de trois grandes civilisations, la Méditerranée a accueilli la chrétienté, le monde orthodoxe et l’islam. Mais à ces trois religions monothéistes, il faut bien ajouter l’héritage des Grecs, des Romains, des Juifs, des Turcs. Qu’est-ce que la Méditerranée ? « Mille choses à la fois. Non pas un paysage, mais d’innombrables paysages. Non pas une mer mais une succession de mers. Non pas une civilisation, mais des civilisations entassées les unes sur les autres », poursuit l’auteur.

Voyager en Méditerranée

C’est forcément « rencontrer de très vieilles choses, encore vivantes, qui côtoient l’ultramoderne, à côté de Venise faussement immobile, la lourde agglomération de Mestre ; à côté de la barque du pêcheur, qui est encore celle d’Ulysse, le chantier dévastateur des fonds marins et des énormes pétroliers ».

C’est aller à la rencontre de trois mondes, le chrétien, l’orthodoxe, l’islam, qui se sont transformés et les uns AVEC les autres ou CONTRE les autres. Pas étonnant si la cathédrale de Syracuse s’est installée dans le temple d’Athéna et celle de Palerme dans la grande mosquée.  Pas surprenant, si le petit village corse de Cargèse abrite l’une en face de l’autre une église catholique et une autre orthodoxe, bâtie par des Grecs de Vitylo en Laconie, fuyant les Ottomans au XVIIe siècle.

Revenir sur les rivalités de l’Occident, de l’Islam et de l’univers orthodoxe, c’est embarquer pour une passionnante méditation sur le cours du monde, la grandeur et décadence des civilisations. Au cours des siècles, la Méditerranée, centre du monde chez les Grecs, allait perdre de sa superbe, évincée par la découverte de l’Amérique en 1492, corsetée par les Anglais après le percement du canal de Suez, comme une voie express pour les Indes, avant que les États-Unis et l’Asie ne déportent une nouvelle fois le centre de gravité de la planète dans le Pacifique. Et pourtant le Monde Méditerranée a gardé son attrait. Des millions de touristes s’y pressent chaque année. Comme si chacun savait que nous ne pouvons pas vivre que des événements de notre présent. Comme si chacun sentait, qu’il est en fait le résultat de morceaux composites de différents âges. Comme si chacun avait finalement au fond de lui un peu de ces paysages d’Ulysse.

Béatrice Peyrani

Pour en savoir plus:

Fernand Braudel, La Méditerranée, Précédé d’un entretien de François Hartog, Champs Histoire, Flammarion

 

 

 

Pour rêver:

Sylvain Tesson, Un été avec Homère, publié aux Éditions France Inter, Équateurs, parallèles.

 

 

Et à voir en ce moment sur Arte son magnifique documentaire, Dans le sillon d’Ulysse.

 Jean Giono, Naissance de l’Odyssée, chez Grasset.

 

Les Illusions perdues de Balzac

C’est à coup de nuits sans sommeil, de litres de café fort et brûlant, et harassé de dettes que Balzac écrit à un rythme effréné Illusions perdues. Ce roman volumineux et des plus extraordinaires, largement inspiré de sa propre vie, nous tient en haleine jusqu’à la dernière page.

« Je suis un galérien de plume et d’encre, un vrai marchand d’idées » disait Balzac qui réussissait l’exploit de publier plusieurs grandes œuvres par an. Avec cette même frénésie et grâce à des emprunts, il se lance dans l’acquisition d’une maison d’édition, d’une imprimerie et d’une fonderie à caractères qui se solde par un désastre financier. « Plaignez-moi, je travaille seize heures par jour et je dois encore cent mille francs ! »

De la réalité à la fiction

Si cette expérience s’avère malencontreuse pour l’écrivain, elle va nourrir en partie le récit des Illusions perdues. Car c’est précisément dans une imprimerie à Angoulême, petite ville de province, que commencent les aventures de Lucien Chardon, jeune poète au visage d’ange. Le novice rêve de réussite à une époque où Victor Hugo, Chateaubriand, ou encore Béranger culminent dans les esprits. Si ce n’est par son talent, Lucien est convaincu que son incroyable beauté va lui ouvrir les portes d’une existence moins rude. « Il avait les mains de l’homme bien né, des mains élégantes, à un signe desquelles les hommes doivent obéir et les femmes aiment à baiser… » nous dit l’auteur. A sa vue, la belle aristocrate, Mme de Bargeton, sensible aux arts et aux lettres, s’exalte au point d’inviter le poète à ses réceptions réservées au cercle restreint de la noblesse. Lucien, qui se fera bientôt appeler de Rubempré – nom emprunté à sa mère sur le conseil avisé de Mme de Bargeton – voyait dans ce rapprochement inespéré une échappatoire à ses misères. C’était sans compter les jalousies et le scandale qui obligèrent la reine d’Angoulême de s’exiler à Paris sans pour autant se départir de son poète. 

D’illusions en désillusions

A Paris, Lucien de Rubempré découvre une société bouillonnante où les intrigues meurtrières, les bassesses et les désillusions foisonnent. Accueilli par « ces petits saluts secs et froids par lesquels un homme en déconsidère un autre, en indiquant aux gens du monde la place infime qu’il occupe dans la société », le poète se ruine pour se donner des allures de dandy et dissimuler ses origines provinciales ou ses origines tout court, qui attisent le mépris des nobles Parisiens. Même Mme de Bargeton – sous une soudaine prise de conscience de ses égarements -, s’empresse de l’ignorer. Le jour où son talent sera enfin reconnu, il se promet naïvement de les « dompter ». En attendant, il court les maisons d’éditions pour faire publier ses poèmes, en vain. La faim au ventre et sans un sou, il se convertit au journalisme et tombe dans les bras de Coralie, jolie comédienne entretenue qui l’héberge dans son bel appartement. Là, on se dit que notre poète s’est tiré d’affaire, aimé, nourri, logé, habillé d’étoffes précieuses… Mais sous l’influence néfaste de prétendus amis, il s’abandonne aux agréments d’une vie d’abondance, de plaisirs et de luxe à outrance qui vont l’éloigner de son art pour in fine causer sa perte.

Sous l’œil scrupuleux de Balzac, les protagonistes des Illusions perdues sont décrits avec moult détails pouvant couvrir plusieurs pages sans pour autant lasser, usant parfois de métaphores originales. Les dialogues sont émouvants ou piquants, mais toujours subtils et pleins de finesse. Une fresque sans indulgence de la société au 19ème siècle et de ses intrigues, que l’écrivain peint avec génie sans jamais lâcher la tension !

Ann Bandle

La peste d’Albert Camus

Dès sa sortie en juin 1947, ce livre s’est arraché en librairie.  Étudié par des générations de lycéens en France, l’épidémie de Covid-19 rend La Peste incroyablement d’actualité. A retrouver d’urgence dans sa bibliothèque ou pour plus les plus jeunes : à télécharger version ebook sur son ordinateur !

« Les fléaux, en effet sont une chose commune, mais on croit difficilement aux fléaux lorsqu’ils vous tombent sur la tête. Il y a eu dans le monde autant de pestes que de guerres. Et pourtant pestes et guerres trouvent les gens toujours aussi dépourvus ». Indifférence, incrédulité, puis panique. Albert Camus décrit comme dans une pièce en trois actes, les sentiments, qui vont saisir les habitants d’Oran, face au déferlement d’une épidémie. Une épidémie qu’ils mettront bien longtemps à vouloir désigner : la peste. Un mot que Camus a pourtant lui délibérément choisi comme le titre de son livre et qui peut toutefois être interprété aussi comme la métaphore de la peste nazie des récentes années de guerre.

A Oran, la ville choisie par Camus pour dérouler sa chronique, personne n’a vraiment senti venir la catastrophe. Avant le désastre, justement nous rappelle l’écrivain : les oranais étaient frénétiquement occupés à faire des affaires toute la semaine, s’octroyant seulement le week-end quelques distractions, comme les bains de mer et les sorties entre amis ou amoureux. Ils avaient peu le temps de réfléchir au fonctionnement du monde ou de s’attarder sur leurs voisins.

Seul face au ciel

Le narrateur du récit, le docteur Rieux tente de sauver un certain Michel, le concierge de son immeuble. Dans l’indifférence totale, cet homme humble et travailleur, s’était évertué ces derniers temps à chasser les rats, qui semblaient soudainement avoir pris possession du quartier. Pourtant c’est à peine si les résidents du quartier s’en étaient préoccupés. Même le  docteur Rieux n’avait rien remarqué, trop occupé par le prochain départ de sa femme, qui malade devait aller se reposer dans un sanatorium.

Toutefois, Rieux va devoir ouvrir les yeux, quand un matin, il reçoit la visite d’un consciencieux employé de la ville, Monsieur Grand, qui veut l’interroger sur cette étrange propagation des rongeurs dans la ville et de l’augmentation du nombre de décès qui en a suivi. Rieux va devoir se rendre à l’évidence, lui comme les autres. Il leur faut accepter de nommer le mal qui les menace. La peste était bien en train de faire basculer la ville dans l’horreur. La tragédie était palpable. Pourtant les hommes avaient voulu l’ignorer le plus longtemps possible ? Fallait-il leur en vouloir ? Les Oranais avaient oublié d’être modestes. Ils avaient cru les fléaux impossibles. Mais comment leur en vouloir ? « Comment auraient-ils pensé à la peste qui supprime l’avenir, les déplacements et les discussions ? Ils se croyaient libres… »

Après plusieurs tergiversations et devant la brutalité du nombre de morts, les autorités décident enfin de fermer les frontières de la cité. La quarantaine était d’actualité. Le 28 avril on « annonçait une collecte de huit mille rats environ et l’anxiété était à son comble dans la ville. On demandait des mesures radicales, on accusait les autorités et certains qui avaient des maisons au bord de mer, parlaient déjà de s’y retirer. »

Les choses paraissent un temps de se calmer avant de reprendre de plus belle. Les nombres de malades et des décès repartent en flèche, fauchant pauvres et riches, fonctionnaires, croyants et mécréants, pères, mères, enfants… « Chacun dut accepter de vivre au jour le jour, et seul en face du ciel. » Camus raconte le combat de Rieux et de quelques hommes de bonne volonté pour combattre le fléau et l’égoïsme ou la folie d’un plus grand nombre encore. Ils gagneront. Le message de Camus est clair: le mal peut-être vaincu si les hommes décident de s’unir et d’agir collectivement. Message d’espoir, la Peste de Camus n’en finit pas de nous éclairer sur notre présent.

Béatrice Peyrani

Lecture de La Peste à la Grande Librairie

Le Danube de Claudio Magris


Partir à la découverte du Danube : un voyage de quelques 3 000 kilomètres dans sa chambre en 556 pages. Une invitation irrésistible de Claudio Magris en cette étrange période de COVID-19. Pas de fausse excuse, prenons pour une fois le temps. Seul impératif : être prêt pour une épopée fantastique.

Des sources en Forêt-Noire à son delta en mer Noire, Claudio Magris nous emmène pour une grande aventure, tout au long du Danube. Quand il sort son ouvrage en 1986, les pays traversés lors de sa navigation par le romancier étaient alors moins nombreux. Le second plus long fleuve d’Europe traversait alors sept États : la République fédérale d’Allemagne, l’Autriche, la Tchécoslovaquie, la Yougoslavie, la Hongrie, la Bulgarie, la Roumanie.

Depuis l’éclatement de l’Urss et de la Tchécoslovaquie (que Claudio Magris avait pressenti) ont redessiné la géographie politique des lieux: rajoutant sur la route officielle du Danube, cinq nouveaux États : Slovaquie, Croatie, Serbie, Moldavie, Ukraine. Et oui, « le Danube n’est pas le fleuve d’une pure race germanique, mais le fleuve de Vienne, de Bratislava, de Budapest, de la Dacie, symbole de cet empire des Habsbourg dont l’hymne était chanté en onze langues. »

Pour autant la poésie du livre, tout comme sa brillante érudition demeurent. Inaltérable, inoxydable, immortel, l’ouvrage n’a pas pris une ride, puisqu’il s’agit d’un chef d’œuvre, d’un vrai, d’un classique impérissable, dont chaque lecture conduit à de nouvelles découvertes. Pas étonnant, car Claudio Magris a plusieurs cordes à son arc. Le romancier, journaliste, critique, traducteur germaniste émérite, l’homme sait multiplier les rôles…et les prises de parole.

Donauechingen contre Furtwangen

En simple touriste, il court, comme un quidam en short et sac au dos, à la source initiale du Danube. Serait-ce à Donaueschingen ? Des générations d’écoliers l’ont appris ainsi. Et la plaque du parc de la résidence princière Fürstenberg, dont la bibliothèque du château renferme les fameux manuscrits de la Chanson des Nibelungen est formelle : « hier interspringt die Donau » (là où les eaux de la Brigach et la Breg se rencontrent naît le Danube). Capricieux, le fleuve pourtant pourrait être né aussi à quarante kilomètres à la ronde, à Furtwangen, à la seule source de la Breg, où un certain docteur Ludwig Öhrlein a fait graver (lui aussi !) dans les années 50 une autre plaque : « Ici naît la source principale du Danube, la Breg, à 1078 mètres d’altitude… » La querelle entre la noblesse féodale et le bourgeois de profession libérale a divisé de nombreux beaux esprits. Fi des rivalités touristico-mercantiles,  Magris continue son chemin à la découverte enchanteresse des paysages, châteaux et villes que l’immense fleuve va longer.

En route d’abord pour Ulm (avec son Danube encore jeune, son Musée du Pain et son quartier de Pêcheurs), puis les incontournables villes cartes postales, Passau, Linz, Vienne, où Magris jette un œil à la surprenante maison Wittgenstein, toute en « rationalité géométrique » faite pour ne pas y habiter…La Hongrie s’annonce bohême. Le voyageur gagne Budapest, où le Danube « coule, large et le vent du soir passe sur les terrasses en plein air des cafés, comme la respiration d’une vieille Europe qui se trouve peut-être aux franges du monde et ne produit plus de l’Histoire, mais se contente d’en consommer. » En territoire roumain, Magris musarde dans les ruelles pittoresques de Sibiu et se désole l’industrielle Tomis (où dans l’Antiquité fut exilé le poète Ovide). A croire que le fleuve n’en finit plus avant de s’échouer à Sulina. La ville connut son heure de gloire quand elle devint le siège de la Commission européenne du Danube de 1865 à 1935, avant de devenir après la Seconde guerre mondiale, une sévère zone frontière militarisée. Curieux de voir l’embouchure Claudio Magris se met le cap sur la mer.  « Le Danube, dument canalisé débouche dans la zone portuaire interdite aux personnes étrangères au service, il se perd en mer sous surveillance de la capitainerie. » Après quelques trois mille kilomètres ? Tout ça pour ça…

Ovide en Mer noire

En digne héritier de l’esprit de la Mittleuropa, sous la plume de Claudio Magris, né à Triestre, ville d’Italie, dont les cafés ressemblent si singulièrement à ceux de Vienne, le Danube devient surtout un parcours de mémoire. Au fil de ses pas, l’écrivain invite tous ceux (ou presque tant les références sont nombreuses !) qui autrefois l’ont précédé comme l’autrichien Joseph Roth, le roumain Paul Celan, ou encore ce  poète slovaque Milan Rufus : « La mort fait peur quand on la voit en face. Par derrière, elle est toute beauté, innocence… »

En humaniste, Magris s’émeut, s’éblouit, s’interroge et nous interroge.  Le bien, le mal, l’Histoire, la vie, la mort? Danube, voyage initiatique. Un début, une fin ? « Fais o Seigneur, que j’entre dans la mort comme le fleuve se jette à la mer, dit un ver de Biaggio Marin ». Nos vies fragiles, naissent et s’effacent comme dans un souffle, le long du Danube. Claudio Magris nous invite à les chérir plus que jamais.

Béatrice Peyrani

VERBATIM 1/ ANTI COVID  19 « Celui à qui la persuasion (définie comme la capacité de vivre l’instant fugace mais délicieux) fait défaut consume son être dans l’attente d’un résultat qui doit venir et ne vient jamais ». Claudio Magris, Danube.

 

Le Cristal de nos nuits


Dans son livre au titre évocateur, Frédéric Lamoth nous raconte plusieurs aventures à l’aube du Troisième Reich. Si les personnages sont réels, avertit l’auteur, leurs interactions avec les protagonistes sont purement imaginaires. 
Cependant, certaines mises en scène sont décrites avec une précision telle qu’elles transportent le lecteur sur les lieux mêmes où se déroule l’action.

Dès les premières lignes, nous voilà en 1932 dans l’ambiance feutrée du célèbre bar du Montreux Palace, bondé de clients anglais en villégiature durant la saison estivale. Des habitués que le jeune pianiste guette derrière son Steinway, l’oreille tendue, pour se distraire de la monotonie d’un répertoire répétitif. Rien n’échappe à sa curiosité et à son regard critique. Ni l’apparition soudaine de l’Allemand, un personnage singulier, ni celle de Monique, la nouvelle serveuse, dont il ne tarde pas à tomber amoureux sans oser se déclarer… jusqu’au jour où l’un et l’autre disparaissent. Pourtant, il aurait suffi d’un sourire, d’un geste ou d’un mot lâche-t-il avec regret « je n’ai pas pu, je n’ai pas osé aller à l’encontre du bon sens et de la raison. » Ils se reverront des années plus tard, mais on n’en dira pas plus.

Un dialogue de sourds

Parmi les autres nouvelles de l’ouvrage, l’écrivain rend un hommage poignant à Wilhelm Furtwängler, l’un des plus importants compositeurs – nommé à seulement 36 ans – chef d’orchestre du prestigieux Orchestre Philharmonique de Berlin. Affichant son mépris des mesures racistes, Furtwängler refuse de se plier au salut nazi face à un Hitler menaçant. Auparavant, en concert à Vienne, il exigea le retrait des oriflammes à croix gammées placardées sur les loges. Avec autant de courage que de détermination, il sauva la vie de nombreux artistes juifs tout en risquant la sienne. Considéré comme symbole de la culture allemande, il survécut quelque temps à l’impatience du Führer avant de s’enfuir en Suisse poursuivi par la Gestapo. Frédéric Lamoth entremêle subtilement la réalité des faits à la fiction pour pimenter, si besoin est, le tragique de son récit.

Dans l’intimité des vies

Au fil des pages, les histoires se succèdent avec chacune ses drames, ses rebondissements, ses blessures qui sont autant de témoignages de la Suisse durant la Deuxième Guerre Mondiale. Des vies chahutées, des destins brisés, le bruit assourdissant des bombes, les mots éclatent d’intensité. On pénètre dans l’intimité des personnages, tantôt avec effroi, tantôt avec admiration ou attendrissement. Durant cette période sombre, les événements baignés d’une atmosphère inéluctablement lugubre nous sont racontés avec émotion et beaucoup de talent, en quelques pages que l’on dévore d’une seule traite.

Entretenir la mémoire

En publiant Le Cristal de nos nuits, Frédéric Lamoth signe son septième roman. Né à Vevey d’une mère suisse et d’un père hongrois, on ne s’étonnera pas de voir figurer parmi ses ouvrages Les Sirènes de Budapest et de l’entendre affirmer : « je m’efforce d’aborder des sujets, d’entretenir la mémoire et la culture de ma région, de mon pays et de mes origines. » Pari réussi !

Ann Bandle

Le Cristal de nos nuits
Frédéric Lamoth
Bernard Campiche Editeur

 

 

Marie Bashkirtseff (1858-1884)

Décédée prématurément à l’âge de 26 ans, Marie Bashkirtseff, élève de l’Académie Julian, n’a pas pu accomplir la carrière que ses talents multiples – peinture, musique, sculpture, écriture –  pouvait laisser espérer. Son nom est pourtant passée à la postérité pour deux raisons.
Elle nous a d’abord laissé un magnifique journal intime témoignant des joies et malheurs de l’émancipation d’une jeune artiste de son époque qui correspond avec Guy de Maupassant, et attire aussi tous les regards par sa beauté. Mais Marie a aussi pu réaliser, avant que la tuberculose ne la terrasse, plusieurs toiles magnifiques, comme La réunion (portrait de jeunes garçons de la rue), qu’on  peut admirer au Musée d’Orsay à Paris ou son autoportrait conservé au Musée Chéret de Nice, ville où elle a passé une grande partie de sa jeunesse. Née dans une famille noble en Ukraine, cette jeune fille déracinée et brillante qui maîtrise pas moins de cinq langues, va en effet beaucoup voyager durant sa courte existence.

Séjour à Genève

Elle a 12 ans quand elle séjourne à Genève à l’hôtel de la Couronne, reçoit une belle boîte de peinture et se voit demander par un vieux professeur de dessiner des petits chalets où les fenêtres étaient dessinées comme des troncs d’arbres et ne ressemblaient pas aux fenêtres des vrais chalets. Marie refuse, ne comprenant pas qu’une fenêtre fut ainsi. Le professeur lui demanda alors de peintre ce qu’elle voyait de sa fenêtre, la famille avait changé entretemps d’établissement pour s’installer dans une pension plus conviviale, Maria dessina alors le lac et le Mont Blanc. Sa vocation d’artiste-peintre était née.

Béatrice Peyrani

Les impressionnistes canadiens à Lausanne

Ils et elles (très nombreuses pour une fois !) ont peint entre 1880 et 1930 les jardins du Luxembourg, les poires de Barbizon, les fleurs de Giverny mais aussi le dépanneur (l’épicier du coin) de Toronto, la cathédrale Saint Patrick de Montréal ou la découpe de la glace. Ils et elles sont les quelques 36 peintres canadiens invités par le Musée de l’Hermitage de Lausanne pour une exposition baptisée Le Canada et l’impressionnisme. Comment ces artistes ont-ils aussi bien peint avec autant d’enthousiasme et de talent les champs de coquelicots que leurs paysages enneigés du Grand Nord ?

C’est l’histoire que nous raconte en une centaine de toiles, le musée de l’Hermitage. Une saga intrigante, la réappropriation par quelques artistes venus du froid…d’une révolution picturale française de la fin du XIXe siècle, une assimilation en douceur qui permettra à la toute jeune Nation canadienne de créer sa propre peinture nationale.

« L’impressionnisme est parfaitement adapté aux paysages canadiens », explique Katerina Atanassova,  conservatrice au Musée des beaux-arts d’Ottawa et commissaire de l’exposition de Lausanne.
Dès 1880, Paris, capitale de l’art attire le monde entier.

Bohême parisienne

Les artistes nord-américains y viennent nombreux pour rejoindre l’École des Beaux-Arts de Paris, établissement public prestigieux ou les nombreuses académies privées, qui ont le vent en poupe.

L’académie Julian, l’académie Colarossi ou encore l’académie de la Grande Chaumière attirent de nombreux canadiens, dont un grand nombre de femmes que les grandes familles nord-américaines ne rechignent pas à envoyer étudier la peinture en Europe. Jeunes filles de la bourgeoisie aisée ou étudiants plus ou moins argentés, toute cette jeunesse canadienne se loge à Paris rive gauche, de préférence à Montparnasse. Un quartier où elle puise ses sujets d’inspiration : bord de Seine, atmosphères de café, fêtes populaires.

Ou encore Jardin du Luxembourg. Lieu de promenade favorite pour le jeune Paul Peel. Né à London (ville de l’Ontario située à 200 kilomètres de Toronto), ce garçon prometteur (à la carrière trop courte, il va mourir à 32 ans !), passé par l’école de Philadelphie, a installé son atelier parisien au 65 boulevard Arago.  En 1881, comme nombre de ses confrères, il va explorer la Bretagne, se poser à Pont-Aven où il puisera de nouvelles inspirations.

Au même moment, un congénère de l’Ontario, William Blair Bruce pose ses pinceaux à Paris. Il rejoint l’académie Julian. Mais il s’y sent vite à l’étroit et s’en ira prendre l’air à Barbizon, village qu’il qualifie dans ses lettres à sa famille de « pur paradis ». L’artiste y peint, les moissons, les vergers, les ruisseaux.  Plus tard, il se rendra à Giverny où il travaille en extérieur et y exécutera un de ses chefs d’œuvre, Paysage avec coquelicots.

La première impressionniste canadienne

Entretemps la peintre Frances Jones a présenté au Salon de Paris en 1883, Le Jardin d’hiver, portrait d’une femme lisant dans une véranda remplie de plantes tropicales. Une toile inspirée par un tableau d’Édouard Manet du même titre. La première toile impressionniste canadienne présentée à un public international est née !!!

Comme Frances Jones, d’autres canadiennes viennent à Paris pour parfaire leurs connaissances, Laura Muntz (ne pas rater la Robe rose, peinte en 1897 présentée dans cette exposition), Florence Carlyle, Helen Mc Nicoll, H. Mabel May entendent profit de la palette impressionniste pour saisir cette nouvelle femme de cette fin du XIXme siècle. Elles vont la représenter avec délicatesse et humanité au travail (en tisseuses ou fabricantes d’obus !) ou dans leur foyer (au piano, avec les enfants, au milieu des livres…).

Les peintres Ernest Lawson ou Maurice Cullen font eux le pèlerinage à Moret-sur-Loing, sur les traces de Sisley, Renoir et Monet. La toile « Hiver à Moret », peinte en 1895 « témoigne déjà de la capacité de Cullen tôt dans sa carrière à peindre l’atmosphère vive et pure d’une froide journée d’hiver, avant son retour au pays », poursuit Katerina Atanassova.

Autre figure marquante de la bohême canadienne à Paris, James Wilson Morrice venu de Montréal, débarque dans la ville lumière en 1890. Il suit les cours de l’atelier Julian. Il s’imposera vite comme un des peintres les plus respectés de son époque. L’État français lui achète en 1904 sa toile Quai des Grands Augustins. Morrice suit de près la révolution fauve, très ami de Matisse, il part dessiner avec lui à Tanger, au Maroc en 1911-12. Jeunesse n’ayant qu’un temps, les expatriés regagnent peu à peu leurs pénates.

Donner des couleurs à la neige !

Ainsi de retour au pays en 1895, Maurice Cullen, fera découvrir à ses compatriotes les toiles impressionnistes qu’il a réalisées en France ou en Algérie. Mais il se posera aussi en véritable animateur d’un courant impressionniste canadien made at home. Cullen continuera de travailler en extérieur comme il en avait pris l’habitude en France, et ce malgré la rigueur des hivers de sa patrie natale.

Pour saisir l’immensité des paysages de son pays, il va donner des couleurs à la neige, comme dans La Récolte de la glace, exécutée en 1913. Il inspire les jeunes artistes du Groupe des Sept de Toronto, à l’origine avec le groupe de Beaver Hall de Montréal de la peinture canadienne moderne.

L’exposition de Lausanne pousse jusqu’aux années 1920 avec les œuvres d’Emily Carr. Cette artiste née à Victoria (Colombie Britannique) en 1871, a étudié à San Francisco. En 1910, elle a fréquenté l’académie Colorassi et l’atelier Blanche en 1910. Elle va y acquérir, un style audacieux, coloré et très personnel. De retour au Canada en 1912, elle a à cœur d’illustrer la vie des premiers habitants du Canada avec leurs mâts totémiques, comme dans Gitwangak.  Pionnière dans cette démarche, elle devra attendre les années 1930 pour se voir reconnue comme une artiste majeure et devenir une des icônes de l’art canadien.

Béatrice Peyrani

Le Canada et l’impressionnisme
Nouveaux horizons

24 janvier – 24 mai 2020
Fondation de l’Hermitage | Route du Signal 2 | CH – 1018 Lausanne

Ils ont changé le monde sur le Léman

Voltaire, Rousseau, de Staël, Byron, Chateaubriand, Stendhal, Dumas, Flaubert, Hugo, Rolland. Ces dix auteurs sont venus entre 1754 et 1914 sur les bords du Léman. Pourquoi ? Pour échapper à la censure, à la prison, aux créanciers ou à la mort, ils ont quitté leur pays, la France ou l’Angleterre. Ils ont posé leurs valises quelques heures ou quelques années en Suisse. Là, dans ce pays entre lacs et montagnes, ils ont retrouvé la santé, la liberté ou l’inspiration. Ils ont respiré à pleins poumons l’air frais du Saint Bernard. Ils ont repris leur envol, reconquis leur plume et réinventé le monde. Malgré les doutes, malgré les déchirures, car l’exil dixit Hugo, « ce n’est pas rien et ceux, qui le croient, se trompent ».

Voltaire et Rousseau, frères ennemis

A Genève, à Lausanne ou Clarens, Voltaire avec son Traité sur la tolérance, puis Rousseau, avec le Contrat Social vont diriger l’opinion pendant un siècle. A coup de factums et de traités, les deux philosophes et  bientôt frères ennemis précipiteront la chute de la Monarchie en 1789. Mais entre deux pamphlets, ils n’en oublient pas moins de célébrer la splendeur des rives du Léman, la délicatesse de ses côtes, la magie de ses couchers de soleil. Physiocrate ou écologiste avant l’heure, Voltaire finance des agriculteurs à Ferney et monte des pièces de théâtre à Lausanne. Rousseau herborise à Clarens pour purger son âme avant de connaître l’enfer à Genève et de partir se réfugier à Londres.  En 1793, coup de tonnerre à Paris, l’exécution de Louis XVI déplace la capitale des Lumières de Paris au château de Coppet où Germaine de Staël reçoit les plus beaux esprits européens. Châteaubriand y rencontre sa belle Juliette (Récamier) et se réfugie plusieurs fois en Suisse pour échapper aux geôles françaises. Régime constitutionnel, suffrage universel, droit de vote feront les belles soirées de Coppet entre amours rêvées ou perdues, avant de redessiner la carte du monde.

ILS ONT CHANGÉ LE MONDE SUR LE LÉMAN
Auteurs : Béatrice Peyrani et Ann Bandle
Paru aux éditions Slatkine – janvier 2020
A commander :
En Suisse : Editions Slatkine 
A l’étranger : www.fnac.fr   et www.Decitre.fr

Victor Hugo, Stendhal, Dumas en pèlerinage

Plus tard, le poète Byron, corseté dans l’Angleterre Victorienne renaitra à Chillon, tel le phénix des eaux de Vevey. Lui aussi comme Voltaire et Rousseau, s’enthousiasme pour la nature idyllique des paysages suisses. Éclectique, il se passionne pour les héros romantique du Pays de Vaud, mais apprécie aussi l’amabilité de ses vins, qui se boit frais comme l’eau des glaciers ! La Byronmania a frappé et avec lui la ruée vers la riviera romande. De 1840 à 1850, près d’une cinquantaine d’ouvrages sur la Suisse sortent chaque année.  Victor Hugo, Stendhal, Dumas, héros du romantisme viennent en pèlerinage. L’âge d’or des palaces suisses commence. Les touristes du monde entier se pressent chaque année pour découvrir le Rigi, les lacs de l’Engadine ou du Léman. Si celles-ci sont idylliques, c’est pourtant de ces mêmes rivages qu’en 1869, à la veille d’une nouvelle révolution en France, que le Père des Misérables en appelle à la création des États Unis d’Europe. Ultime recours pour éviter le chaos ?  Déjà les empires autocratiques du Vieux Continent s’enfoncent dans la paralysie. Et c’est bien dans la capitale vaudoise, comme dans un ilot de sagesse au milieu du tumulte grandissant que le Congrès de la Paix bataille pour la fraternité entre les hommes.

Redécouvrir leur séjour en Suisse

Oui, de Vevey à Coppet, de Lausanne à Genève, Voltaire, Rousseau, De Staël, Byron, Chateaubriand, Stendhal, Flaubert, Dumas, Rolland, ces exilés ont voulu changer le monde.

Redécouvrir les circonstances de leur séjour en Suisse, emprunter la route de leur exil, cheminer sur leurs pas de Ferney au Col du Saint-Gothard, c’est retrouver en leur compagnie, au fil de leurs écrits plus actuels que jamais, leur amour pour la nature et le goût de la liberté qu’ils nous ont légué pour l’éternité.

Critiques du livre « Ils ont changé le monde sur le Léman »:

« Pour tout dire, les aventures de Voltaire, de Rousseau et autre Byron sur le bord du Léman se dévorent comme un roman…» Cécile Lecoultre, 24 Heures

« S’il devient difficile de trouver des faits inédits dans ce registre, les chercheuses mettent néanmoins en avant des épisodes qui dépassent l’anecdote… » Cécile Lecoultre, Tribune de Genève

« Autant de biographies bien documentées, remarquablement illustrées qui rendent justice à une région et à ses hôtes illustres, tant leur influence littéraire, politique ou philosophique a marqué la modernité. Le Léman fut pour certains terre d’accueil et de repos, pour d’autres terre d’exil, donc de refuge, enfin pour une minorité bain de jouvence et de santé. » Christian Ciocca, RTS

« A quatre mains, Béatrice et Ann Bandle invitent à un passionnant voyage autour du Léman sur les pas d’une dizaine d’écrivains… elles n’auraient pu faire un meilleur choix ! » ParisMatch Suisse

« Le livre, intéressant et de lecture agréable,… présente chaque fois un résumé de la vie des écrivains concernés, offre un bon rappel de leur biographie, de leur oeuvre et de leur rayonnement intellectuel…» Pierre Jeanneret, Domaine Public

« Béatrice Peyrani et Ann Bandle ont uni leur talent, et leur amour du Léman, dans un ouvrage dont les héros ont pour nom Voltaire et Rousseau, Mme de Staël et Chateaubriand, Hugo et Byron, Dumas, Stendhal, Flaubert et Romain Rolland…. » La Croix

« Cette étude captivante par son rythme alerte et un choix judicieux des épisodes narrés nous dévoile une époque où les rives du Léman se voulait une terre d’asile poru les penseurs persécutés… » Nicolas Quinche, historien Journal La Côte

« Ce livre donne envie de mettre ses pas dans les leurs pour faire le tour du lac en commençant par Genève, en passant par Coppet, Lausanne, Vevey, le château de Chillon et Villeneuve, il incite également à lire ou relire ces auteurs… » Le blog de Francis RIchard

«  Sans doute voit-on moins les beautés paysagères ou culturelles lorsqu’on les a sans cesse devant les yeux… Aussi est-il salutaire (et fort agréable) que deux femmes de lettres venues de loin nous rappellent à quel point les rives du Léman ont compté dans le passé intellectuel et littéraire de l’Europe. Un régal ! » Marie-Claire – Culture Livres

« Léman und Literatur: eine wunderbare und wanderbare Beziehung. Zwei Frauen begleiten uns diesmal… Die beiden Autorinnen schildern ausführlich und spannend Leben und Werk der neun Schriftsteller und der einen Schriftstellerin, und wie der Genfer See sozusagen als Katalysator in beide Richtungen gewirkt hat. Aber nicht nur der See, sondern überhaupt die Schweiz.» Bergliteratur

« En moins de 300 pages, le lecteur voyage au long de deux siècles dans le cœur intellectuel de l’Europe…. les éditions Slatkine proposent un livre qui devrait figurer dans toutes les bibliothèques.» Webliterra

« Voici un livre passionnant et surprenant sur l’histoire littéraire durant près de deux siècles, du milieu du dix-huitième à la première moitié du vingtième siècle. Il est très dense et très documenté, appelé à devenir une référence sur le sujet. J’ai vraiment beaucoup aimé ce livre passionnant et je le recommande chaleureusement. Il est très instructif et fouillé mais reste accessible et très agréable à lire, avec de belles illustrations d’époque…» L’île aux 3o polars,  Patricia Mathey, Babelio

Critiques des lecteurs « Ils ont changé le monde sur le Léman »:

« La lecture de cet essai est plaisante, qu’elle soit continue ou « picorée ». Elle est instructive sans être rébarbative… L’évocation de paysages majestueux incite également à mettre nos pas dans ceux des auteurs pour partager encore des années plus tard leur émotion face à la nature lacustre et alpine…» Valerielle, Babelio

ILS ONT CHANGÉ LE MONDE SUR LE LÉMAN
Auteurs : Béatrice Peyrani et Ann Bandle
Paru aux éditions Slatkine – janvier 2020
A commander :
En Suisse : Editions Slatkine 
A l’étranger : www.fnac.fr   et www.Decitre.fr

 

Déambulation artistique à travers la Suisse

Albert Anker, Ferdinand Hodler, Félix Vallotton, ou encore Robert Zünd, Benjamin Vautier…, la Fondation Pierre Gianadda met à l’honneur l’art pictural helvétique. Un ensemble de cent vingt-sept chefs-d’œuvre reflétant les paysages immaculés et les scènes de vie d’une autre époque.

« Je voudrais reconstituer des paysages sur le seul secours de l’émotion qu’ils m’ont causée… » écrit Félix Vallotton dans son journal. Et c’est bien l’émotion qui a aussi dicté les choix de Christoph Blocher. La quintessence de sa stupéfiante collection – et autant de coups de cœur – est présentée au musée de Martigny, dont plusieurs œuvres rarement ou jamais montrées auparavant.

Parmi celles-ci, un nombre impressionnant de tableaux réalisés par Albert Anker, dont les reproductions ornaient la maison familiale de son enfance se souvient le collectionneur et dont il se targue d’en posséder aujourd’hui les originaux.

Le peintre naît le 1er avril 1831 à Anet, un endroit champêtre situé entre Berne et Neuchâtel, et a dû batailler pour déjouer les ambitions de son père qui le vouait à la théologie. Il sera élève du Vaudois classiciste Charles Gleyre avant de poursuivre ses études à l’École impériale et spéciale des Beaux-Arts à Paris et d’être honoré par plusieurs distinctions.

Mais c’est à Anet, dans la quiétude de ce lieu retiré, qu’Albert Anker peint les scènes bouleversantes du monde rural. D’une authenticité pénétrante, ses œuvres témoignent de l’existence rude de son époque, démunie de toute superficialité, touchant même à la pauvreté. Intérieurs sans grand confort, mobilier vieilli par l’usure du temps, vêtements simples… laissent supposer une certaine précarité, acceptée cependant avec bienveillance. Comme ces enfants de L’École en promenade (illustré), dont la plupart marchent pieds nus au milieu d’une nature bucolique. Leurs traits expressifs, d’où transperce la personnalité de chacun d’eux, sont saisis sur le vif.

De Anker à Hodler

A la réalité émouvante des œuvres d’Anker contrastent les paysages lumineux de Ferdinand Hodler, amoureux des lacs et des Alpes. Dès l’entrée du musée, l’œil est attiré par l’alignement de toiles cristallines du Léman et du lac de Thoune. L’artiste a posé son chevalet sur les sites les plus spectaculaires pour en capter la beauté à tout heure du jour et en toute saison. Le lac Léman vu de Chexbres, le soir, et d’autres panoramas, reproduits de manière fidèle ou plus abstraite, démontrent l’évolution artistique du peintre.

Outre Anker et Hodler, l’exposition « Chefs-d’œuvre suisses » présente les tableaux d’autres grands peintres suisses, tels que Félix Vallotton, Cuno Amiet, Alberto Giacometti, Ernst Biéler pour n’en citer que quelques-uns… tous issus de la collection privée d’un fin connaisseur doublé – à n’en point douter – d’un fervent admirateur.

L’un des plus beaux parcs de sculptures

Ne quittez pas le musée sans assister à la projection du film sur la fondation. Léonard Gianadda nous invite à une promenade dans son vaste parc de sculptures, classé parmi les plus beaux d’Europe. Entre plans d’eau, buissons fleuris et essences rares, ou au détour d’un bosquet, surgissent des œuvres d’art soigneusement choisies « qui ne sont pas arrivées là par hasard ». Chacune à son histoire… celle d’un grand homme !

Ann Bandle

CHEFS-D’ŒUVRE SUISSES
Collection Christoph Blocher
Fondation Pierre Gianadda, Martigny
Jusqu’au 14 juin 2020

La récréation de Noël

En cette fin d’année, le Musée Historique de Lausanne nous amuse, en racontant l’histoire des Loisirs, dans une exposition baptisée Time off.

Divertissement, repos, récréation, loisirs, distraction, évasion, délassement, disponibilité, ressourcement… Le temps pour soi peut se nommer de nombreuses façons et revêt de nombreux visages. Pourtant le loisir n’a véritablement pris de l’importance qu’avec l’industrialisation de la société au XIXe siècle, comme le souligne le Musée Historique de Lausanne, en devenant le temps gagné par le plus grand nombre sur le travail, au prix de nombreuses luttes et revendications sociales.

Dans la Grèce Antique, le concept de loisirs n’existe pas vraiment. Ainsi l’attention réservée aux exercices physiques n’a rien d’une distraction, elle est une occupation nécessaire pour se préparer à la guerre. Le culte du corps répond à un idéal d’éducation et tout naturellement les artistes de l’époque s’en inspirent dans l’iconographie des vases ou fresques ainsi que la sculpture… Chez les romains, « l’otium », le temps libre, en marge des affaires ou des activités politiques ou militaires, consiste le plus souvent à se rendre aux thermes, qui jouent le rôle de véritables centres de loisirs. Près de 3000 personnes peuvent aller aux thermes de Caracalla pour bénéficier des différents bassins d’eau plus ou moins chaudes, profiter du théâtre, des restaurants ou de la bibliothèque !

Jusqu’au XVIIIème siècle, pour les paysans, c’est en fait le calendrier des saisons et des travaux des champs qui dicte le tempo des fêtes – souvent religieuses – et des réjouissances. Avec le siècle des Lumières, le loisir devient plus sensiblement synonyme de temps choisi. Certes, le phénomène ne touche qu’une infime minorité, élites aristocratiques et bourgeoises. Ainsi à Lausanne, les familles les plus riches s’offrent de vastes domaines agricoles pour profiter des beaux jours de l’été. Temps heureux de la villégiature. L’exposition propose ainsi une toile attribuée à Carel Beschey de « Citadins à la campagne » les montrant dans leur magnificence et dans un décor bucolique. Avec le développement des transports au XIX, bateaux ou trains, les voyageurs les plus aisés, soucieux de parfaire leur éducation, tentent d’élargir leur champ de vision. La publication de guides touristiques Murray, Joanne ou Baedeker se développe, tandis que les premiers tours opérateurs proposent à leurs clients, circuits et excursions variées.

Le Musée de Lausanne nous présente ainsi ces billets pour des expéditions en ballons dirigeables en Suisse ou cette pittoresque toile de Johann Konrad Zeller, avec ses touristes un brin effrayés par la chute de l’Eau noire en Savoie.

Un nouveau territoire de jeu

La montagne, moins intimidante, du fait des premiers records décrochés à la même époque par quelques alpinistes vedettes, devient aussi un nouveau territoire de jeu. Les anglais créent le premier club alpin du monde en 1857, tandis que les suisses leur emboîtent le pas en 1863. Au fil des ans, camping, randonnées, cyclisme se démocratisent avec l’instauration un peu partout en Europe des premiers congés payés et la limitation des durées hebdomadaires du travail. Photos des enfants de « l’œuvre » à Vidy-Plage, des sanatoriums de Leysin, la Suisse se taille une réputation dans les loisirs de santé. Mais elle n’oublie pas le divertissement, les cabarets et les spectacles comme en témoigne, les affiches colorées du théâtre Bel Air et les photos des nombreux cinémas que compte encore la Ville au milieu du XXème siècle. Au XXIème siècle, le wifi semble rebattre les cartes. Commerce en ligne, jeux-vidéos, home cinéma, prennent de plus en plus le dessus sur les loisirs collectifs. L’artiste Corinne Vionnet, clôt l’exposition lausannoise par une photo Agra, 2006, où elle « a tissé des milliers de clichés du Taj Mahal glanés sur internet », monument pour le moins iconique et emblématique du tourisme de masse. Une façon de nous interroger sur la façon dont nous construisons nos souvenirs. Sage initiative, à quelques jours de Noël où les selfies devant les sapins vont inonder la toile ! Comme si désormais la mise en scène de nos loisirs comptait davantage que leur exercice. Mais cela est sans doute une autre histoire !

Béatrice Peyrani

Time off jusqu’au 13 avril 2020
Place de la Cathédrale, 4 – Lausanne.

Photo : Zeller © Musée national suisse, Zurich

Jean d’Ormesson, l’amoureux de la vie

L’académicien Jean-Marie Rouart signe un émouvant « Dictionnaire amoureux » de Jean d’Ormesson. Il dresse un portrait truffé d’anecdotes pétillantes et inédites qui évoquent l’esprit du grand homme.

Résumer la longue vie de Jean d’Ormesson, synthétiser ses passions, ses amours, ses succès en quelques mots-clés alignés dans l’ordre immuable de l’alphabète ? Jean-Marie Rouart a commencé par hésiter avant de se lancer et de nous livrer dans le désordre les moments phares de l’existence enviable de l’écrivain.

Un vertige romanesque

Âgé de dix-huit ans à peine lorsqu’il rencontre pour la première fois Jean d’Ormesson, Rouart reconnaît avoir eu la chance de nouer une amitié profonde avec celui qui deviendra le premier homme de lettres publié aux éditions de la Pléiade de son vivant – non sans avoir écrit au préalable plus d’une quarantaine d’ouvrages – rejoignant ainsi le cénacle des grands auteurs.

Mais avant d’atteindre cette ultime consécration, Jean d’Ormesson a mené une carrière de chroniqueur au Figaro. Lors de son élection à la tête du prestigieux quotidien en 1975, il avoue « qu’une espèce de griserie s’est emparée de moi. Elle n’était faite grâce à Dieu, ni d’orgueil – il n’y avait pas de quoi –, ni de vanité, ni de goût du pouvoir. C’était un vertige romanesque. » Cependant, l’euphorie ne dura guère et Jean d’Ormesson se trouva très vite absorbé par les fonctions de management qu’il finira par abandonner pour se vouer à son véritable amour : la littérature.

La philosophie du bonheur

Ce merveilleux conteur qui nous a tant séduits, « dont l’humour et la délicieuse conversation gagnaient tous les cœurs » dira Rouart, et celui des femmes en particulier, a su mieux que tout autre partager sa joie de vivre, sa philosophie du bonheur, nous remplir d’allégresse. On se souvient de son esprit pétillant lors de ses apparitions publiques, de son élégance décontractée, à l’aise en toute circonstance et jamais à court d’imagination. On se souvient de sa vision éclairée, sa curiosité parfois fantaisiste. Il pouvait disserter sur les sujets les plus variés sans être aucunement ennuyeux, de Châteaubriand surtout, dont il a déclaré avoir tout lu, assurément son idole, au point de pouvoir citer des passages entiers des Mémoires d’outre-tombe, et auquel il consacra une biographie sentimentale « Mon dernier rêve sera pour vous », l’un de ses plus grands succès.

Dans son hommage, Jean-Marie Rouart se remémore leurs moments de complicité et d’amitié heureuse, leur passion commune pour la littérature. Nul doute, Jean d’Ormesson aimait la vie, la liberté, les belles femmes, le soleil d’Italie, la mer au-delà de tout « J’ai nagé à Venise, au Lido, à Dubrovnik, à Hvar, à Korcula, à Mljet, qui est une île avec un lac et une île dans le lac, à Capri… J’ai nagé en Corse qui est la plus belle île de la Méditerranée, à Porto, à Girolata… » Et nous, nous nageons dans le bonheur à la lecture de ce passionnant dictionnaire !

Ann Bandle

Dictionnaire amoureux de Jean d’Ormesson
Jean-Marie Rouart
Plon 2019

 

 

A Évian : coup de projecteur sur l’Expressionnisme allemand

Le Palais Lumière d’Évian consacre une exposition à l’Expressionnisme allemand. Une événement exceptionnel qui réunit pour la première fois les collections de deux musées l’Aargauer Kunsthaus en Suisse et l’Osthaus Museum Hagen en Allemagne. Une occasion de découvrir ou redécouvrir les initiateurs de l’une des plus importantes rébellions artistiques du XXème siècle.

Ils étaient quatre amis étudiants en architecture à Dresde, nés dans les années 1890 et voulaient réinventer l’art. Ils ont créé en 1905 le mouvement die Brücke, (le Pont). A l’origine de leur acte fondateur ? Une exposition d’un certain Van Gogh à la galerie Arnold de Dresde. Un choc libérateur qui pousse les quatre jeunes gens, Ernst Kirchner, Éric Heckel, Karl Schmidt-Rootluff à vouloir tout chambouler dans leur travail. Formes, couleurs, sujets, la nouvelle peinture doit tout révolutionner mais aussi faire des liens avec les arts premiers, les techniques du moyen-âge… Les fondateurs de Dresde sont bientôt rejoints par d’autres peintres comme Emil Nolde, Max Pechstein et Otto Mueller mais aussi des sculpteurs ou des cinéastes.  Rompre avec les codes académiques par la fragmentation de la forme, faire émerger le sentiment, sensibiliser les classes populaires à l’art, autant de missions que le Brücke s’assigne et popularise dans sa revue – opportunément nommée der Sturm : la tempête !  Sensible à la solitude de l’individu dans la grande ville, le mouvement avant-gardiste ambitionne de représenter non pas la réalité telle que nous la voyons mais au travers de nos sentiments et de nos émotions : la crainte, la peur, l’effroi. Témoin de cette recherche, le portrait de ce Groupe d’artistes, réalisé par Ernst Ludwig Kirchner, peu de temps après son déménagement et son installation à Berlin, qui témoigne de l’inquiétude de l’intellectuel dans son nouvel habitat urbain. Officiellement le mouvement die Brücke se dissout en 1913, les liens entre ses membres devenant trop distants.

Parallèlement au Brücke, à Munich, en 1912, d’autres artistes regroupés autour du russe Wassily Kandinsky, ajoutent à leur recherche picturale de nouvelles couleurs et de nouvelles formes, une quête de spiritualité, de mysticisme. Il désigne leur mouvement, une nouvelle manière de voir : der Blaue Reiter, le cavalier bleu.

Le palais d’Évian rassemble jusqu’au 29 septembre quelques 140 toiles des deux mouvements, dont un magnifique Paysage aux murs blancs de 1910 aux couleurs pures de Gabriele Münter, la compagne de Kandinsky.  Le couple va souvent travailler autour du lac Moritzburg près de Dresde, à la recherche d’un Eden bucolique, où ils peuvent peindre avec plus de sérénité en compagnie d’autres confrères, comme le peintre russe Alexej von Jawlensky qui les accompagne souvent.  Mais la défaite militaire en 1918, la grave crise économique de 1922, les conflits coloniaux, la montée du nazisme vont bientôt jeter les expressionnistes allemands …pour les plus chanceux sur les routes de l’exil. Bientôt qualifié d’artistes dégénérés par Hitler, des centaines de leurs œuvres seront bientôt brûlées et détruites. Kirchner, le fondateur du Brücke, réfugié en Suisse se suicide lui en juin 1938.

Béatrice Peyrani

L’Expressionnisme Allemand
jusqu’au 29 septembre 2019

Palais des Lumières
Quai Charles Albert Besson, 74500 Évian-les-Bains,

 

 

Lausanne, capitale de la mode

Le Musée Historique de la ville explore l’évolution de la silhouette féminine et masculine.

Être bien dans sa mode. Une évidence pour les millennials. Mais pas pour nos ancêtres. « Le confort dans la mode, c’est une idée plutôt neuve, qui ne date guère tout au plus que des années 1980, » raconte Claude Alain Künzi, le commissaire de l’exposition Silhouette, le corps mise en forme présenté au Musée historique de Lausanne. Grâce à la sélection pointue d’une vingtaine de pièces clés et emblématiques (robe du soir, gilet d’homme, redingote, veste à pièce d’estomac, robes bouillonnées…),  le visiteur peut juger de la fulgurante transformation et libération de la silhouette féminine et masculine du XVIIe à nos jours.  Se protéger du froid ou du chaud, s’embellir, affirmer sa différence, autant d’objectifs que de tout temps l’habit s’est assigné. Mais il a aussi façonné et refaçonné notre silhouette.

Preuves à l’appui, avec les inestimables pièces que le musée de Lausanne a choisi de mettre en lumière, parmi les quelques trois mille costumes qu’il possède et qui ont tous été portés ou fabriqués à Lausanne.

Pour commencer ce retour dans le temps un coup de projecteur sur le buste et la poitrine. Ils sont les vedettes incontestables de la mode du XVIIe siècle. L’atout séduction pour mettre en valeur les femmes. Le corset étreint les élégantes. L’exposition en montre de jolis spécimens ! Il faut souffrir pour être belle. Rares sont ceux comme Rousseau ou quelques doctes médecins  qui s’en émeuvent. Rigides, peu confortables, les robes à corset ne se portent que quelques heures pour une soirée, mais elles tiennent le haut du pavé durant des décennies. Heureusement les hanches et les fesses vont bientôt focaliser l’attention. Les magnifier ou les dissimuler, selon les époques – les robes cloches, puis à robes faux-cul vont faire merveilles. Il faut couvrir de plus en plus les jambes, ne laisser rien deviner d’un petit pied trop sexy dans sa ballerine. Pour la praticité, c’est raté, jusqu’au début du XXe siècle, la femme ne peut toujours guère se mouvoir, ou s’asseoir en habit. Celles qui appartiennent au beau monde, se changent pourtant trois ou quatre fois par jour !

Mais s’habiller, s’apprêter exige toujours beaucoup de temps, de soin et d’assistance ! Il faudra attendre le XXe siècle, l’émancipation par le travail et le sport pour commencer à voir enfin les couturiers construire la silhouette sur le corps même de la femme. A Lausanne, le grand magasin Bonnard attire une clientèle locale et internationale en quête des meilleures tenues de montagne, ski ou de tennis. L’enseigne a fermé en 1974 pour laisser la place au Bon Génie. Les enseignes et les quartiers changent, mais Lausanne, reste-t-elle toujours une place incontournable de la mode ? Sans aucun doute pour le commissaire de l’exposition qui a demandé à la photographe Christiane Nill de saisir au vol les silhouettes des lausannois d’aujourd’hui les plus lookées.  Surprenant…

Béatrice Peyrani

Musée historique Lausanne
Place de la Cathédrale 4 – 1005 Lausanne
Jusqu’au 29 septembre 2019

Quand Passy parlait russe

Depuis leur création en 1999, les éditions des Syrtes ambitionnent de faire découvrir à leurs lecteurs les trésors de la littérature slave. Les vacances estivales sont propices à la découverte ou re-découverte d’une des pépites de l’éditeur genevois : « Une maison à Passy », un roman écrit dans les années 1930 par une figure de la littérature russe en exil à Paris, Boris Zaïtsev. Un ouvrage visionnaire et plus actuel que jamais.

Autrefois Dora Lvovna avait étudié la médecine à Saint-Pétersbourg. C’était il y a une éternité…dans la Russie Tsariste. Pour survivre dans ce Paris des années 20, elle masse désormais de riches compatriotes, exilés comme elle. Désargentée mais non sans ambition, Dora vit dans un petit meublé d’une modeste maison de Passy. Elle n’y est pas seule, heureusement. Elle a Rafa, son jeune fils qu’elle souhaite voir rejoindre le prestigieux lycée Janson de Sailly, comme les petits messieurs du quartier. S’intégrer et se forger un beau chemin dans ce nouveau pays, c’est le rêve, le dessein, l’obsession, le devoir de Dora. A Paris, dans cette Maison de Passy, les voisins de Dora sont presque tous des russes. Comme elle, ils ont perdu la Russie de leur enfance, comme elle, ils ont la nostalgie des héros, de la littérature, des traditions de la mère patrie. Comme Dora, les habitants de la Maison de Passy partagent les mêmes soucis d’argent, l’humiliation et l’angoisse de dépendre de la générosité de leurs amis ou connaissances russes plus fortunés qu’eux. Mais la vie dans ce quartier presque campagnard a aussi ses bons côtés.

Dans la maison de Passy, il y a cet attachant général, qui espère l’arrivée prochaine en France de sa fille et de son petit- fils et veille en attendant sur le jeune Rafa. Il y a Kapa, une encombrante voisine aussi excessive que déraisonnable, il y a aussi Valentina, une jeune couturière, une belle âme qui vit avec sa vieille mère, ce chauffeur de maître et quelques autres, comme cet… Anatoli un mystérieux vendeur d’oeuvres d’art aussi charmeur que menteur. Tous ces émigrés se connaissent, s’observent et se jalousent. Tous s’aiment aussi avec passion et fougue, farouchement solidaires dans ce douloureux exil qui les ballote, mais qu’un moine orthodoxe espère un jour adoucir, en restaurant une abbaye de la région parisienne, pour accueillir et protéger les membres les plus fragiles de la diaspora.

Avec humanité et tendresse, Boris Zaïtsev décrit la perte de ma mère patrie, avec ses misères et ses rédemptions, comme nul autre. Sous sa plume, il fit revivre ce petit Passy, de l’entre- deux guerres, qui parlait encore russe. Écrit il y a plus d’un siècle, l’ouvrage interpelle sur la lucidité de son auteur sur les gagnants et les perdants de l’intégration.

Béatrice Peyrani

Boris Zaïtsev, Une maison à Passy, 226 pages
Editions Syrtes

 

A l’ombre des regards

De la Renaissance à nos jours, la Fondation de l’Hermitage nous invite à porter notre regard sur les ombres des œuvres d’art. Là où lumière s’éclipse pour créer un contraste clair-obscur, dévoiler un mystère ou dramatiser un paysage. Des ombres parfois inquiétantes, colorées, spectaculaires, mais toujours fascinantes.

Selon un mythe qui date du 1er siècle après J.-C., le dessin et la peinture aurait été inventés par une jeune femme corinthienne qui traça les contours de l’ombre de son amoureux projetée sur le mur par la lumière avant qu’ils ne soient séparés. Par ce geste singulier, la première ombre est née, suivie d’une multitude de variations. Depuis ce temps lointain, les plus grands artistes en font usage, voire un véritable sujet, que ce soit dans les autoportraits comme en témoignent les œuvres de Rembrandt et Eugène Delacroix, ou le genre figuratif des impressionnistes. Avec le roi du Pop art Andy Warhol et sa série Shadows II, l’ombre portée atteint son paroxysme en terme d’abstraction. Et c’est toute la thématique de l’exposition transversale « Ombres » que nous présente la Fondation de l’Hermitage. A travers 140 œuvres réalisées au fil des siècles, le jeu subtil des ombres apparaît telle une évidence et sort… de l’obscurité.

Errance à la lumière des ombres

Parmi les nombreuses œuvres de l’exposition, le tableau magistral d’Émile Friant, Ombres portées (illustré), présenté au Salon de la Société nationale des Beaux-arts en 1891, met en scène un jeune couple. L’émotion est forte, puissante. Aux yeux implorants de l’homme, à son ardent désir, la jeune femme répond par un regard fuyant, leurs ombres en disent long. Un théâtre d’ombres et de lumière où rien n’est laissé au hasard. Pour y parvenir, les nuanciers déclinent les palettes de gris allant du gris bitume au gris tourterelle plus poétique, ou de bruns plus chauds, aux teintes brûlantes ou terre d’ombre.

Plus loin, les couchers du soleil flamboyants du peintre suisse Félix Vallotton  – qu’il affectionne pour en avoir peint près d’une quarantaine – illustrent quant à eux les ombres colorées. Une technique également adoptée par Hans Emmenegger, autre artiste suisse, dans le dessein de restituer au plus près la réalité.

Les ombres sous toutes les facettes

En parallèle à l’exposition, la fondation propose un programme d’activités pluridisciplinaires, jeux et parcours ludiques destinés aux enfants. Et pour les moins jeunes, une série de conférences, ateliers de découpage et stages pour une initiation tout au long de l’été à l’ombre des regards…

Ann Bandle

Fondation de l’Hermitage – Lausanne
Du 28 juin au 27 octobre 2019
Billetterie 

Les Quatre Saisons de Franz Gertsch


A l’occasion de l’inauguration de nouveaux espaces, le Musée Franz Gertsch à Burgdorf présente une rétrospective de l’artiste de 1955 à 2018. Les Quatre Saisons, œuvres monumentales à tout point de vue, sont désormais réunies sous un même toit. Une constellation inédite, plus réelle que la réalité.  

Si au cours de sa longue existence, Franz Gertsch n’a cessé d’inventer des techniques originales, il n’est pas pour autant, à 89 ans, en manque d’inspiration « j’ai encore beaucoup d’idées, probablement trop par rapport à mon âge », lance-t-il en souriant. A l’évidence, l’enthousiasme et la passion ne l’ont pas quitté. Dans l’isolement de l’Emmental, au pied des Alpes bernoises, à Rüschegg précisément, les journées s’écoulent sereinement. C’est là qu’en 1976, l’artiste a établi son atelier avec pour seule compagnie son épouse, Maria Meer, et pour seul horizon une vaste plaine peuplée d’arbres, ceux qu’il a plantés à son arrivée.

Dès lors, on ne s’étonne plus que ce jardin naturel constitue pour le peintre une source d’inspiration permanente. « C’est là que vivent les modèles que j’ai immortalisés ». Les sous-bois, les eaux noires au fond de la vallée, et derrière la colline, les rives du lac de Bienne, là où Franz Gertsch est né et de ce fait les plus belles. Fidèle à un rythme immuable, il travaille chaque jour cinq heures d’affilée pour nous livrer des paysages sauvages d’une précision consternante.

Une approche artistique innovante
En préambule à la peinture, Franz Gertsch arpente la campagne pour saisir sous son objectif le cliché digne d’être reproduit. « Je ne photographie que lorsque j’ai le sentiment que quelque chose pourrait en sortir » précise-t-il. Lorsque la photo est sublime, elle est projetée sur la toile pour en esquisser les contours selon une technique de son invention. Commence alors un travail titanesque de plusieurs années pour peindre plus vrai que nature, des paysages saisissant de beauté. Une peinture dense, lisible de près comme de loin. Maître de l’hyperréalisme, il invente un procédé semblable pour la gravure sur bois. Les reliefs sont marqués par un nombre infini de petites entailles avant d’être encrées puis imprimées sur du papier japonais, sorte de xylographie pointillée dont le résultat est tout autant stupéfiant.

Un Musée à son nom
Profondément impressionné par les œuvres de Franz Gertsch, le collectionneur et mécène Willy Michel fait édifier un musée à Burgdorf. Volontairement sobre, l’architecture est pensée comme substrat pour les œuvres de l’artiste, adaptée à l’exposition de formats monumentaux et de triptyques. Deux cubes aux lignes épurées entourés d’un jardin. Depuis son inauguration en 2002, le Musée Franz Gertsch, tel qu’il a été baptisé, a enrichi ses collections par de nouvelles acquisitions. Et plus récemment, une extension a permis de réunir dans un même espace – événement sans précédent – les « Quatre Saisons », un ensemble d’œuvres magistrales réalisées entre les années 2007 à 2011. « L’art n’est qu’une traduction de la réalité en une réalité picturale », nous résume avec modestie celui qui figure parmi des plus grands peintres contemporains.

L’exposition « Franz Gertsch. Printemps, été, automne et hiver » se déploie dans toutes les pièces du musée. Une rétrospective éblouissante à découvrir jusqu’au 18 août 2019.

Ann Bandle

Museum Franz Gertsch
Platanenstrasse 3
3400 Burgdorf

De Turner à Whistler, promenade anglaise à l’ère victorienne

Paysages romantiques à profusion, scènes champêtres ou scènes de vie tout simplement, l’exposition de la Fondation de l’Hermitage présente un tour d’horizon des grands peintres d’outre-Manche des années 1830 à 1900. Des œuvres picturales qui exaltent la beauté de la campagne anglaise mais témoignent aussi des changements induits par la révolution industrielle.

A l’époque où la reine Victoria règne sur le plus grand Empire du monde, la peinture anglaise ne connaît paradoxalement que peu d’engouement outre-Manche. Trop traditionnelle, trop conservatrice, voire d’un charme désuet face au mouvement impressionniste, elle a longtemps été reléguée au rang des œuvres narratives, sans originalité. Il faudra patienter presque à nos jours pour que les critiques d’art réhabilitent le talent indéniable des artistes victoriens et que leurs œuvres soient appréciées à leur juste valeur.

Des œuvres prodigieuses

A commencer par William Turner – l’incarnation même du romantisme anglais – qui figure parmi les plus grands paysagistes de son temps. Admis à 14 ans à la Royal Academy Schools, le jeune virtuose pousse la technique de l’aquarelle à son plus haut niveau avant de s’intéresser à la peinture à l’huile. En quête de sujets, il voyagera abondamment en France, en Italie et dans les Alpes suisses. Partout, il esquisse la topographie des lieux, annote les couleurs avec une précision inouïe. « Mon travail est de peindre ce que je vois… » Des paysages souvent tourmentés aux reliefs vertigineux sans cesse renouvelés. Il invente de nouveaux pigments, des dégradés de jaune qui éclairent ses toiles d’une lumière singulière que tant d’artistes lui jalouseront.

Si William Turner a inlassablement cherché l’inspiration dans les pays méditerranéens, son contemporain John Constable n’aime rien tant que sa chère campagne écossaise et ne quittera jamais la Grande-Bretagne. Il peint la nature sur le vif, scrutée dans ses moindres détails pour être méticuleusement reproduite. Une technique des plus abouties où il réussit le prodige de nuancer l’humidité de ces contrées pluvieuses. Le résultat est stupéfiant, mélancolique ou romantique, mais toujours vibrant. Van Gogh lui-même fut intrigué. Lors de son séjour à Londres en 1873, il retourna à maintes reprises à la National Gallery pour admirer The Cornfield, la toile que Constable réalisa en 1826, pour s’en inspirer.

Dans un registre différent, celui de la réalité sociale, d’autres artistes tels que Frederick Walker et Frank Holl mettent en scène l’indigence de la classe moins favorisée. Leurs tableaux – qui ne manquent pas d’une certaine hardiesse – illustrent les drames familiaux, les conditions de vie précaires, la misère. Des images sombres, pénétrantes, d’une imposante vérité.

Outre les artistes précités, l’exposition « La peinture anglaise 1830-1900 » du Musée de l’Hermitage à Lausanne réunit une sélection variée près de 60 tableaux des grands noms de la peinture victorienne et un ensemble inédit d’héliogravures. Dans le sillage de Turner à Whistler, la promenade est des plus émouvantes… à découvrir jusqu’au 2 juin 2019.

Ann Bandle

Fondation de l’Hermitage 
Route du Signal 2 – Lausanne

Illustration : George William Joy, The Bayswater Omnibus, 1895

Martine Franck : Une humaniste au Musée de l’Élysée

« Du jour de la naissance jusqu’à l’instant de la mort, la vie n’est qu’une révolution constante. Rien n’est permanent. Le plus difficile est d’accepter les changements en soi, autour de soi, chez les autres, et pourtant la plus belle aventure n’est-ce pas ce parcours qui part de soi pour se connaître, s’oublier et se dépasser ? ». Placée en préambule de l’exposition que lui consacre le Musée de l’Élysée de Lausanne jusqu’au 5 mai 2019, cet hymne à la vie écrit par la photographe Martine Franck ne pouvait être mieux choisi pour présenter ses quarante ans de photoreportage.  Un travail pour le moins bien atypique, loin des champs de guerre, couverts par la plupart de ses confrères masculins. Martine Franck, elle, a toujours voulu s’intéresser dès les années 60 à ceux, qu’on appelait – pas encore – les invisibles : les enfants, les personnes âgées, les laissés pour compte.  Plus qu’un choix artistique, une évidence pour cette femme timide et réservée, décidément pas « pas faite pour le trottoir », notait avec humour son célébrissime époux, le photographe Henri Cartier-Bresson de trente ans son aîné.

Jeune fille bien née, Martine Franck a vu le jour en 1938 dans une famille de collectionneurs d’Anvers, en Belgique, qui part se réfugier en Grande-Bretagne, puis aux États-Unis. Dans leur salon à Londres, ses parents accrochent des toiles Picasso, Ensor et Van Gogh. La fillette s’y fait déjà un œil. Adolescente, elle poursuit ses études aux États Unis à Long Island puis en Arizona. Elle rêve de devenir conservateur de musée ou galeriste et commence des études d’histoire de l’art d’abord à Madrid puis à Paris, à l’École du Louvre en 1958. Là, elle y soutient un mémoire sur « Sculpture et Cubisme 1907-1915 » et se lie avec la futur metteur-en-scène Ariane Mnouchkine. Chagrin d’amour ou besoin d’émancipation ? Les deux amies décident de tout plaquer en 1963 pour se lancer dans un long périple en Orient. Elles demandent un visa pour la Chine. Seule Martine l’obtient. Ariane la rejoindra donc à Hong Kong. Pendant son voyage en solitaire en République populaire, Martine Franck s’essaye à la photographie grâce à un Leica qu’un cousin lui a prêté. Déclic d’une vocation.  Puis découverte du Cambodge, de la Thaïlande, du Népal, de l’Inde, de l’Afghanistan… enfin retour à Paris.

Parfaitement bilingue en anglais, la jeune femme réussit à se faire embaucher par le magazine américain Time Life, au bureau de Paris. Elle sera d’abord l’assistante des photographes Eliot Elisofon et Gjon Mili, puis ose enfin montrer ses propres images, arrive à publier et devient photographe indépendante pour Life, Fortune, The New York Times. En 1970, elle intégrera l’agence Vu, puis Viva en 1972 et enfin l’agence Magnum, dont elle devient membre en 1983. Elle se convertit au bouddhisme en 1987 et multiplie ses immersions au Népal. Après la mort de son mari en 2004, elle prend la présidence de la Fondation Cartier Bresson et se mobilise pour en assurer la pérennité.

Dans les années 2010, se sachant très malade, Martine Franck sélectionne, quelques mois avant sa mort en 2012, les quelques 140 photographies les plus emblématiques de son parcours si singulier. Ce sont ces mêmes photos que le visiteur du Musée de L’Élysée a le bonheur de découvrir à Lausanne, comme ses fameux portraits de Michel Foucault, Balthus, Giacometti qui cohabitent avec le cliché d’un enfant dans une boîte en carton veillé par son frère et son chien si bien portant. Sans jugement, avec humilité, sans artifice, sans mise en scène, Martine Franck nous offre décidément toute la beauté du monde.

Béatrice Peyrani

Les Trésors des Hansen

La Fondation de Martigny expose une soixantaine de toiles impressionnistes, issue de l’exceptionnelle collection Hansen du musée Ordrugaard de Copenhague. Retour sur l’itinéraire d’un couple de mécènes pressés et avisés…
« Je passe mon temps à regarder des peintures, et autant vous le confesser tout de suite, je me suis lancé dans des achats considérables », écrit en 1916, Wilhelm Hansen, directeur d’une compagnie d’assurance danoise et conseiller d’État, à sa femme Henny. Faute avouée, à demi excusée ? Nul doute, pour ce mari féru d’art, qui sait plaider sa cause auprès de son épouse avec ferveur et talent, «je sais que je serais pardonné lorsque vous allez les voir ; les meilleurs peintres à leur meilleur… ». Effectivement, les emplettes de monsieur Hansen sont bien du meilleur : paysages de Sisley et Pissaro, cathédrale de Rouen de Claude Monet, portrait de femme de Renoir,  autoportrait de Courbet… Profitant de ses fréquents séjours à Paris, l’homme d’affaires danois, entre deux réunions, court les musées et les galeries et – en investisseur aussi avisé que pressé – multiplie les achats avant le retour de la paix et l’inévitable hausse des prix du marché de l’art qui s’en suivra. Alors que la première guerre mondiale n’est pas encore terminée, Wilhem achète ainsi au célèbre marchand parisien Berheim-Jeune : « Le Pont de Waterloo, temps gris » de Monet et le « Portrait de Madame Marie Hubbard » par Berthe Morisot. Durant cette même période, au Danemark, le couple fait l’acquisition d’un terrain près d’Ordrup Krat au nord de Copenhague, pour y faire construire une résidence d’été, dont il fera bientôt son domicile principal. La propriété, qui compte une galerie d’art, sert bien entendu immédiatement d’écrin à la toute naissante collection des heureux mécènes. Le pavillon est inauguré en septembre 1918 et immédiatement les Hansen en ouvrent gratuitement les portes au public chaque semaine. Les visiteurs s’y presseront avec enthousiasme et curiosité. Sensibles à la reconstruction de l’Europe, les Hansen se mettent aussi en quatre pour collecter un million de francs et aider au financement de la reconstruction de la cathédrale de Reims, très touchée par les bombardements de 1914. Malheureusement, la faillite de la plus grosse banque du Danemark met en péril la santé financière des affaires de Wilhem Hansen, qui venait de contracter auprès de ce même établissement bancaire un prêt très important. Pour éponger sa dette, l’entrepreneur doit céder la moitié de sa collection. L’orage passé, le mécène réussit toutefois à racheter une quarantaine de toiles impressionnistes de premier ordre, comme cette « Marine, le Havre » de Claude Monet peinte en 1866. Mais en 1936, le destin frappe à nouveau cruellement la famille Hansen. Wilhem meurt d’un accident de voiture. Fidèle à la passion artistique de son époux, Henny, va assurer la pérennité de la collection en léguant son domaine et ses tableaux à l’État danois. Le musée public d’Ordrupgaard ouvre en 1953 et c’est une soixantaine de ses toiles majeures de Cézanne, Gauguin, Renoir, Monet, Degas… que les visiteurs de la Fondation Pierre Gianadda ont le bonheur de découvrir et d’admirer jusqu’au 16 juin 2019.

Béatrice Peyrani

Quand Pablo Ruiz devient Picasso


Après le musée d’Orsay, la Fondation Beyeler présente à son tour une exposition consacrée au jeune Picasso, les périodes bleue et rose. Des œuvres que l’artiste a réalisées pour la plupart à Paris dans les années 1900 à 1906. « J’ai voulu être peintre et je suis devenu Picasso ».

Formé à l’Ecole des Beaux-Arts de Barcelone, Pablo Ruiz Picasso n’a pas vingt ans lorsqu’il se rend à Paris avec son fidèle ami Carles Casagemas pour l’exposition universelle. Mais déjà, sa technique est remarquable et son ambition à la mesure de son génie. Si Picasso s’intègre sans peine dans l’effervescence de la vie parisienne et travaille d’arrache-pied, son ami s’enlise dans une passion non réciproque pour sa muse, Germaine Pichot. Il sombre dans l’alcool et se suicide d’une balle au Café de la Rotonde en février 1901. La tragédie sera immortalisée dans le tableau « La mort de Casagemas » par un Picasso bouleversé. Il confiera alors « c’est en pensant que Casagemas était mort que je me suis mis à peindre en bleu ». Et c’est dans cet état d’âme, empreint de tristesse et de mélancolie, que débute la période bleue. Des années de misère et de pauvreté où l’artiste se noie dans un océan monochrome. Il en émerge de nouvelles formes figuratives aux teintes bleutées, glaciales, crépusculaires. Le désespoir, la vieillesse, la mort… le hantent. Des œuvres bouleversantes qui, malgré leur beauté, ne trouvent pas preneurs.

En avril 1904, Picasso s’installe au cœur Montmartre, au Bateau-Lavoir, où il croise entre autres Modigliani, le portraitiste Kees van Dongen et Max Jacob qui lui apprend le français. Dans cette cité des artistes, il rencontre l’éblouissante Fernande Olivier, l’un des modèles favoris des peintres. L’amour entre dans sa vie et progressivement l’horizon bleuté cède au rose pastel, plus doux et plus tendre. Sa peinture se transforme, les couleurs chaudes réapparaissent, la chance lui sourit. La collectionneuse d’art contemporain, Gertrude Stein, le remarque et expose ses toiles dans son salon aux côtés de celles du célèbre Matisse. Désormais, il est connu du Tout-Paris et se lie d’une amitié autant artistique que littéraire, avec Apollinaire, qui restera un soutien infaillible.

Perpétuellement en quête de renaissance artistique, Picasso peindra dans une course effrénée plus de trois cents œuvres en six ans qui exaltent la vie, l’amour, la sexualité, le destin et la mort… Admirateur de Matisse, son rival et chef de file du fauvisme, il lui dira « Moi j’ai le dessin et je cherche la couleur, vous avez la couleur et vous cherchez le dessin ».

L’exposition de la Fondation Beyeler « Le jeune Picasso – Périodes bleue et rose » est l’aboutissement d’une vaste collaboration impliquant 28 musées et 41 collectionneurs privés. Elle réunit 75 tableaux et sculptures parmi le plus célèbres et pour certains rarement ou jamais exposés. Des œuvres qui précèdent le cubisme de Picasso et contribuent à son statut d’artiste le plus célèbre et prolifique du 20ème siècle.

Ann Bandle

FONDATION BEYELER JUSQU’AU 26 MAI 2019

Trois photographes suisses incontournables aux 49ème rencontres d’Arles

Il y a presqu’un demi-siècle, une bande de copains autour du  photographe arlésien Lucien Clergue et de l’écrivain Michel Tournier créaient les premières rencontres d’Arles. En ce mois de juillet 2018, la manifestation qui se déroulera jusqu’au 23 septembre accueille 35 expositions et inaugure six nouveaux lieux. Elle est devenue le rendez-vous mondial des amoureux de la photographie, professionnels, galeristes ou public qui s’y pressent de plus en plus nombreux. Les rencontres ont accueilli l’an dernier 125 000 visiteurs et l’édition 2018 espère encore faire mieux cette année, dopée par la curiosité des touristes du monde entier pour la construction en cours de la tour Gehry de la fondation Luma. Côté programmation, Sam Stourdzé, le directeur des Rencontres d’Arles depuis 2014 a mis le focus sur une photographie, medium du XXIème siècle qui décrypte le monde tel qu’il est et va. Une ambition qui s’illustre parfaitement avec les expositions de trois artistes suisses majeurs et incontournables :

Robert Frank, René Burri, Matthieu Gafsou, trois artistes de générations différentes, trois regards aiguisés sur leur époque et leur évolution.

L’emblématique Robert Frank n’est bien sûr plus à présenter. Le Zurichois né en 1924, qui travaille et vit aux États-Unis est devenue l’icône mondiale de la Street Photography. Il y a soixante ans, l’éditeur Robert Delpire sortait son livre fondateur Les Américains. L’exposition Sidelines qui se tient à l’Espace Van Gogh d’Arles retrace cette incroyable aventure.  Elle traque les signes d’une Amérique alors en pleine mutation et dévoile au public d’autres images réalisées par le photographe en Suisse, en Europe ou en Amérique du Sud dans les années 50.

René Burri, né en 1933 à Zurich est décédé en 2014 dans cette même ville.  Son travail « Pyramides imaginaires » est présenté salle Henri-Comte. En 1958, la découverte des pyramides d’Egypte- ces montagnes sans la neige- provoque chez l’helvétique un véritable choc. Le goût pour la forme triangulaire ne quittera plus l’artiste, qui promènera toute sa vie son objectif sur la planète des toits des maisons, des jardins du Nil ou des tipis  du Mexique ou du Guatemala.

Matthieu Gafsou est né en 1981. Il vit et travaille à Lausanne. Son projet H+ exposé à la Maison des peintres explore les nouveaux contours de l’homme augmenté, enrichi ou pour certains…déshumanisé par ces fameuses prothèses miraculeuses, qui promettent de soigner ou de rendre plus performant. Regard chirurgical sur notre époque, regard visionnaire sur le futur de l’être humain.

Béatrice Peyrani

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Manguin, l’éclat du fauvisme

La Fondation de l’Hermitage présente une exposition éblouissante consacrée à Henri Manguin, le plus audacieux des peintres fauves. Des tableaux flamboyants, extrêmement bien composés, qui témoignent d’une technique maitrisée et d’un talent rare.

D’instinct, la peinture est apparue comme une évidence à Manguin alors jeune l’élève du lycée Colbert à Paris. Une volonté qui se concrétise par son admission à l’Ecole des Beaux-Arts. A vingt ans, il entre ainsi dans l’atelier de Gustave Moreau et se lie d’amitié avec Matisse, Marquet, De Mathan et Camoin. Sous leurs pinceaux, les couleurs se libèrent, elles illuminent la toile d’un éclat flamboyant. De ce bouillonnement artistique est né un nouvel élan expressionniste qui bouleversa les techniques traditionnelles.

Mais que serait le peintre sans sa muse ? En 1896 à Cherbourg, Mauguin rencontre la jeune pianiste, Jeanne Carette, un vrai coup de foudre. Belle et sensuelle, elle devient sa muse, son modèle préféré, la femme de sa vie. Jeanne sera omniprésente. Dans un atelier de fortune, installé au milieu de leur jardin rue Boursault à Paris, elle va poser pour le peintre de manière incessante.

L’enchantement méditerranéen

Malgré des débuts difficiles, le succès pour Manguin est quasi immédiat. Très vite, les collectionneurs s’intéressent à ses tableaux aux couleurs intenses. Elles émanent d’un authentique bonheur de vivre. L’hédoniste peint tout ce qu’il aime. Les paysages méditerranéens du sud de la France, Saint-Tropez en particulier. Sous le charme de ce petit village de pêcheurs, il loge à La Ramade – « la propriété où nous sommes dépasse tout ce que l’on peut imaginer, Saint-Tropez a l’air très beau… c’est le rêve » – avant de louer la villa Demière, perchée sur le haut d’une colline. L’artiste célèbre la beauté des lieux. Il peint le port, les plages sauvages, la mer, les arbres en fleurs, réalise ses premières aquarelles. Et surtout, il peint Jeanne, encore et toujours.

Jeanne, partout présente

L’exposition rassemble plusieurs tableaux illustrant l’épouse du peintre parmi les plus émouvants. Jeanne assoupie dans le jardin « La Sieste », d’autres sur la plage avec leur fils aîné Claude, ou encore sur le balcon de la villa Demière, la mer pour tout horizon. Puis Jeanne allongée nue à l’ombre des arbres, sa superbe chevelure relevée en un chignon volumineux. Les accords chromatiques sont d’une belle vivacité, les blancs ne sont jamais blancs, la palette du peintre chante… tout est opulence, tout est volupté.

A travers ses tableaux, Manguin dévoile une existence paisible et sereine. L’histoire heureuse d’un homme assurément heureux « la vie avec Jeanne avait été si complète et si belle».

Ann Bandle

« Manguin, la volupté de la couleur »
Fondation de l’Hermitage
Route du Signal 2 – Lausanne
Dès le 22 juin et jusqu’au 28 octobre 2018
Du mardi au dimanche de 10.00 à 18.00, jeudi jusqu’à 21.00

Les beaux mondes de Laure Mi Hyun Croset

Avant les vacances de Pâques, Damier vous suggère parmi les nouveautés de ce printemps quelques livres à glisser dans votre valise. Premier de notre sélection : « Le Beau Monde » de la romancière suisse Laure Mi Hyun Croset, grande admiratrice de l’écrivain russe Ivan Gontcharov.

Elégance parfaite du marié, champagne et verrines divines pour cinq cents invités triés sur le volet, château et jardins à la française, tout ne paraissait que luxe et beauté pour célébrer le mariage de Charles-Constant, héritier d’une grande famille avec Louise. Sauf qu’à l’église, l’organiste n’en finit plus de jouer. Attente, inquiétude, angoisse… la mariée se fait attendre. Comment expliquer ce retard ? Incroyable, viendra- t-elle enfin? Pour passer le temps, entre le cocktail et le dîner, rien de mieux que d’évoquer l’absente. La mariée est-elle bien cette romancière à succès ? Ils l’attendaient tous, mais au fond, si peu d’entre eux la connaissaient. Silence pesant de l’assemblée. Ouf un invité se lance et brise la glace. Oui, c’est « parfaitement incompréhensible, oui d’autant qu’elle revient de loin », lâche un homme, visiblement pas du genre à dire n’importe quoi, un académicien sans doute. Amaury a été le professeur de Louise. Sa parole vaut bien de l’or. Et celle de Léopold, cet homme aux beaux yeux bleus? Ou de Matteo, ce latin lover au charme fou ou encore celle de Mathilde, la jeune sœur du marié ? Tous ont connu Louise. Tous ont quelque chose à dire. Paroles d’argent ou d’Evangile ? Que savent-ils d’elle , de cette jeune femme complétement « self made », de cette enfant trouvée, de… cette enfant perdue ? L’histoire n’était elle pas jouée d’avance ? A en croire les témoignages, badinages ou racontars, tout n’était- il pas écrit ? A moins, que ce ne soit l’inverse. L’absence de Louise, n’est-elle la preuve vivante, que rien, jamais RIEN n’est inéluctable? L’ énigmatique fiancée n’a-t-elle pas choisi de tout choisir? De tout réinventer pour rebattre les cartes encore une fois ? Pour une dernière fois ?

Le livre de Laure Mi Hyun Croset s’invite gentiment dans l’univers feutré du beau monde. Mais au fil des pages, avec maestria le suspens monte crescendo tandis que les personnages interviennent au rythme des sept sacrements pour énoncer – leurs quatre vérités – sur Louise. Chez les invités, la tension grimpe, le malaise devient palpable. Dans une parfaite unité de temps, de lieu et d’espace, le huis clos va bien se dénouer, mais l’épilogue sera aussi surprenant, que grinçant et inattendu.

Béatrice Peyrani

Trois questions romanesques à Laure Mi Croset

Damier : Quelle est la qualité que vous préférez chez un homme et chez une femme ?
Laure Mi Croset :
Chez un homme, la bonne foi, chez une femme le courage

Damier : Quelle faute vous inspire le plus
Laure Mi Croset :
Celle que celui qui l’a commise reconnaît.

Damier : Quel est votre héros favori dans la fiction ?
Laure Mi Croset :
Oblomov, que met en scène dans son roman éponyme l’écrivain russe Ivan Gontcharov, un personnage tellement paresseux qu’il refuse d’aimer de peur de se fatiguer .

Propos recueillis par Beatrice Peyrani

Les Beaux Mondes de Laure MI HYUN CROSET

Avant les vacances de Pâques, Damier vous suggère parmi les nouveautés de ce printemps quelques livres à glisser dans votre valise. Premier de notre sélection : « Le Beau monde » de la romancière suisse Laure Mi Hyun Croset, grande admiratrice de l’écrivain russe Yvan Gontcharov.

Elégance parfaite du marié, champagne et verrines divines pour cinq cents invités triés sur le volet, château et jardins à la française, tout ne paraissait que luxe et beauté pour célébrer le mariage de Charles-Constant, héritier d’une grande famille lyonnaise avec Louise. Sauf qu’à l’église, l’organiste n’en finit plus de jouer. Attente, inquiétude, angoisse… la mariée se fait attendre. Comment expliquer ce retard ? Incroyable, viendra- t-elle enfin? Pour passer le temps, entre le cocktail et le dîner, rien de mieux que d’évoquer l’absente. La mariée est-elle bien cette romancière à succès ? Ils l’attendaient tous, mais au fond, si peu d’entre eux la connaissaient. Silence pesant de l’assemblée. Ouf un invité se lance et brise la glace. Oui, c’est « parfaitement incompréhensible, oui d’autant qu’elle revient de loin », lâche un homme, visiblement pas du genre à dire n’importe quoi, un académicien sans doute. Il a été le professeur de Louise. Sa parole vaut bien de l’or. Et celle de Léopold, cet homme aux beaux yeux ? Ou de Matteo, ce latin lover au charme fou ou encore celle de Mathilde, la jeune sœur du marié ? Tous ont connu Louise. Paroles d’argent ou d’Evangile ? Que savent-ils d’elle, de cette jeune femme complétement « self made », de cette enfant trouvée, de… cette enfant perdue ? L’histoire n’était elle pas décidément jouée d’avance ? A en croire les témoignages, badinages ou racontars, tout absolument tout n’était- il pas écrit ? A moins, que ce ne soit décidément l’inverse. L’absence de Louise, n’est-elle la preuve vivante, que rien, RIEN n’est jamais décidé d’avance ? L’énigmatique fiancée n’a-t-elle pas choisi de tout choisir? De tout réinventer ? De rebattre les cartes encore une fois,  une dernière fois ?

Le livre de Laure Mi Hyun Croset s’invite gentiment dans l’univers feutré du beau monde. Mais au fil des pages, l’intrigue monte crescendo tandis que les personnages interviennent au rythme des sept sacrements pour énoncer – leurs vérités – sur Louise. Dans le cortège des invités, la tension monte avec maestria. Dans une parfaite unité de temps, de lieu et d’espace, le huis clos va pourtant bien se dénouer, mais l’épilogue promet d’être aussi surprenant, que cinglant et inattendu.

Béatrice Peyrani

Trois questions romanesques à Laure Mi Croset

Damier : Quelle est la qualité que vous préférez chez un homme et chez une femme ?
Laure Mi Croset : Chez un homme, la bonne foi, chez une femme le courage.

Damier : Quelle faute vous inspire le plus d’indulgence ?
Laure Mi Crozet : Celle que celui qui l’a commise reconnaît.

Damier : Quel est votre héros favori dans la fiction ?
Laure Mi Croset : Oblomov, que met en scène dans son roman éponyme l’écrivain russe Ivan Gontcharov, un personnage tellement paresseux qu’il refuse d’aimer de peur de se fatiguer.

Propos recueillis par Beatrice Peyrani

Le dernier-né des festivals de Megève séduit par sa programmation éclectique


Littérature, musique, films, théâtre, le « Festival Savoy Truffle » bouscule les codes par une programmation originale et multidisciplinaire, mais pas seulement.

A Megève, au cœur de ce village bucolique au pied du Mont-Blanc, le festival rend hommage au patrimoine culturel de toute une région, le Pays de Savoie, et fait la part belle à ses artistes : Renaud Capuçon, originaire de Chambéry, le skieur de l’impossible et rescapé de l’Himalaya Sylvain Saudan, l’harpiste Xavier de Maistre, sans parler du célèbre auteur Eric-Emmanuel Schmitt qui se met volontiers en scène pour « rompre la solitude de l’écrivain… » ou encore la projection de films tels que le Guépard avec Alain Delon, une épopée au temps où le duc de Savoie régnait sur l’Italie.

Il y a trois ans déjà que l’idée du festival a germé dans l’esprit des fondateurs désireux de mettre sur pied un événement singulier de haute qualité. Rien d’autre qu’un savoureux cocktail de plaisirs culturels qui s’adresse à un large public sans oublier les enfants. Tous les soirs, le KidsCorner leur propose des représentations théâtrales, lectures de fables ou ateliers, libérant ainsi leurs parents pour courir d’autres événements.

A noter que c’est du 17 août au 2 septembre 2018 qu’aura lieu la première édition de ce festival baptisé du nom du groupe pop Savoy Truffle, ou en hommage au fameux tube des Beatles de l’année 68… Deux semaines de spectacles en continu, autant divertissants que diversifiés, pour plaire à tous. Le programme publié en ligne promet une fin d’été féerique, à des prix accessibles, une belle prouesse !…

Ann Bandle