Au Château de Rolle, peintures, dessins et aquarelles de Charles Chinet nous racontent les paysages d’autrefois ! Coup de cœur et nostalgie…
D’une exigence absolue, Charles Chinet ne peint que la beauté, sans compromis. La nature en plein été, lorsque les couleurs éclatent sous la douceur du soleil et laissent apparaître leurs vibrants dégradés. Le Léman et ses reflets irisés sans cesse renouvelés. Et Jeanne, son épouse, la pianiste de ses sentiments.
Né à Rolle en 1891, le peintre a vécu presque toute sa vie dans la maison familiale de la Grand’Rue, dont le jardin s’étend jusqu’aux rives du lac. Cette fidélité à sa petite ville natale n’a rien d’étonnant – face à l’île de La Harpe, le panorama est époustouflant. Là, sur l’allée sablée bordant l’eau, il plante son chevalet pour des heures d’évasion contemplative. Ses compositions, allégées de tout détail superflu, sont aérées baignant dans l’impondérable des lignes et la délicatesse des nuances. Inlassablement, Chinet multiplie les vues de sa région dans une quête artistique de la lumière. Et quand l’hiver le prive de son jardin, sa plume poétique alimente les chroniques du Journal de Genève : « Je m’étonne chaque fois de devoir quitter ma vie d’été, de rentrer du jardin les chaises de jonc. À regret, je dis adieu aux choses du plein air, aux arbres, au pavillon… »
Une rencontre décisive
Avant de se lancer dans la peinture, le jeune Chinet entame une carrière de banquier à Genève. Il poursuit sa formation à Londres puis à Paris où la rencontre de Henri Matisse et du Vaudois Gustave Buchet marque un tournant décisif dans sa vie. Sur leurs conseils, il suit des cours à l’Académie de La Grande Chaumière et fait preuve d’une habilité stupéfiante. Cet encouragement éveille l’envie de persévérer. Il arpente les musées, fréquente les artistes de Montparnasse, s’inspire de leur technique.
À son retour à Rolle, sa détermination à se consacrer exclusivement à sa passion pour les arts est tenace. Il se lie d’amitié avec les peintres du Groupe de Buchillon, Karl Appenzeller, Alexandre Blanchet, Roger Fiaux, Eugène Martin et Maurice Barraud. Bien que la gloire tarde à venir, son enthousiasme reste infaillible. Dès 1922, son style s’affirme, ses œuvres sont enfin remarquées. Il se distingue et remporte deux années consécutives la bourse fédérale des Beaux-Arts. Une consécration qui lui apporte un nouvel élan. Il obtient le poste de professeur de peinture à l’École cantonale de dessin et d’art appliqué et siège dans plusieurs jurys artistiques. Bientôt les grandes galeries lausannoises (Lion d’Or et Paul Vallotton) lui ouvrent leurs portes…
Expositions et consécration
Dès lors, les toiles de Charles Chinet sont présentes à l’Exposition National des Beaux-Arts et dans la plupart des musées. Elles intègrent aussi la galerie permanente du Palais de l’Athénée à Genève, aux côtés de celles de Maurice Barraud, Eugène Martin, Jacques Odier, Charles Turrettini et d’autres artistes suisses. Grâce aux rétrospectives itinérantes qui lui sont consacrées, sa renommée s’accroit. On salue notamment la justesse du mouvement dans ses portraits. Partout, les critiques sont unanimes. « Charles Chinet est maintenant en possession de ses moyens et destiné à devenir un grand peintre. Son paysage d’Aubonne et ses natures mortes sont excellents… » écrit la Gazette de Lausanne, avant de rajouter « Sa vue du port de Rolle témoigne d’un art achevé. » Et c’est encore lui qui est choisi pour l’exécution de deux compositions murales dans le Palais de Justice de Montbenon à Lausanne.
Malgré le succès, Charles Chinet ne s’éloigne guère des abords son jardin, profondément épris de sa petite ville lacustre. À travers ses œuvres, il exalte sa tendresse pour la beauté des paysages jusqu’à son dernier souffle… que l’on redécouvre nostalgique.
Ann Bandle
Exposition Charles Chinet
Château de Rolle jusqu’au 17 août 2024
Photo: Reflets, huile sur toile, collection Auguste Chinet