Quand Gorki tutoyait Gogol
Les éditions des Syrtes à Genève publient une nouvelle version du Bourg d’Okourov de Maxime Gorki, écrit pendant son exil en 1905 à Capri. L’occasion de découvrir la plume sensible et authentique de ce romancier russe pas si éloigné de son fantasque confrère ukrainien Nicolas Gogol. Entretien avec son traducteur Jean-Baptiste Godon[1].Pourquoi avoir choisi de republier ce texte ?
Jean-Baptiste Godon. Bien qu’il soit relativement peu connu en France, Le bourg d’Okourov occupe une place importante dans la production de Gorki. Il est le premier volet d’une trilogie inachevée consacrée à la vie provinciale (parfois qualifiée de « cycle d’Okourov ») et s’inscrit de ce point de vue dans le prolongement des chroniques provinciales que l’on retrouve chez des auteurs tels que Gogol, Leskov, Saltykov-Chtchedrine, Bounine ou Zamiatine. Dans ce récit pittoresque, Gorki s’efforce de décrire la province russe telle qu’elle est réellement, ses attentes, ses travers et ses angoisses à l’époque de la révolution de 1905, période charnière de basculement entre la Russie ancestrale et la nouvelle Russie soviétique. lire la suite
Prix du cinéma suisse : Marthe Keller reçoit le Prix du meilleur second rôle pour son interprétation d’une mère défaillante dans «Petite Sœur»
La Suisse de Marthe Keller, rencontre avec un actrice cosmopolite et sans langue de bois :
«Les Suisses sont complexés à tord….Ici la qualité de vie est exceptionnelle, l’économie, la nature, cela crée aussi de la jalousie côté français mais attire les étrangers». C’est l’affluence des grands soirs dans les salons du Lausanne Palace. Pas une table de libre, ni au bar, ni dans un petit salon sur le côté. Dans le hall, il reste bien ce canapé et deux fauteuils, drôle d’endroit pour une rencontre avec une star, qui ne devrait guère être propice aux confidences. Qu’importe si l’endroit manque un peu d’intimité pour Marthe Keller : «ce sera parfait », assure-t-elle, l’actrice n’est pas là pour parler d’elle. Depuis le festival de Cannes et la sortie d’Amnesia de Barbet Schroeder, elle enchaîne les entretiens avec les journalistes du monde entier et vient de finir quatre films en une année. Ereintée, elle a frôlé l’été dernier le burnout, elle n’a plus envie de se raconter. Pas ce soir, du moins. Elle est venue ce jeudi à Lausanne pour honorer un prix. Mais elle s’est renseignée, le dernier train pour Martigny part à 22 heures… lire la suite
Dans son premier roman Jeanne,Véronique Timmermans
soulève la délicate question de la transmission des souvenirs intimes
L’auteure alterne deux histoires étroitement mêlées. Celle de Jeanne bouleversée par son coup de foudre inavouable pour un prêtre. Puis celle de sa fille, Catherine, née de cette union, en quête de vérité. Mais comment réagir face au silence de Jeanne sur son passé? L’auteure soulève la délicate question de la transmission des souvenirs intimes d’une génération à l’autre. Un livre tout en émotion et en profondeur.
Damier : L’écriture de ce premier roman marque-t-elle un tournant dans votre vie?
Véronique Timmermans: Oui, certainement. En apparence, ma vie est presque inchangée, je partage mon temps entre travail salarié, écriture, famille, amis et loisirs, comme tout le monde. Je commence seulement maintenant, quelques mois après la parution de «Jeanne», à pouvoir mettre des mots sur ce qui a changé: au plus profond de moi, la joie intense d’avoir accompli un de mes rêves, celui d’être lue, peut-être le rêve qui compte le plus; la prise de conscience combien l’écriture est une part fondamentale de moi, combien l’écriture m’aide à comprendre le monde qui m’entoure. J’ai l’impression que je suis plus moi qu’avant. lire l’interview
Pays de Vaud : qui sont les Pères de la patrie ?
L’’historien vaudois Olivier Meuwly, directeur scientifique et coauteur du collectif « Histoire vaudoise », se penche sur la période mouvementée du début du XIX siècle, alors que le pays de Vaud est libéré de la tutelle bernoise et traverse de nombreuses réformes. Si Frédéric-César de La Harpe est un personnage important, il peut compter sur un trio de de grande envergure en terre vaudoise: ceux que l’on appelle les « Pères de la patrie », Jules Muret, Auguste Pidou et Henri Monod.
La réorganisation du Canton de Vaud, libéré de la tutelle bernoise, a-t-elle permis un essor significatif ?
Olivier Meuwly: Une fois créé, le canton de Vaud a un triple objectif: prouver sa capacité à se débrouiller seul, sur le plan politique, économique et militaire. Il va déployer tous ses moyens pour l’atteindre… avec succès! Vaud s’attachera à s’afficher comme un partenaire fiable et loyal au sein de la Confédération, là aussi avec succès. Le canton de Vaud sera dès lors l’un des piliers de la Suisse entrain d’advenir. lire l’interview
Pourquoi la Suisse est le pays le plus heureux du monde?Entretien avec l’historien François Garçon
Damier : Pourquoi avez-vous écrit « La Suisse, pays le plus heureux du monde »
François Garçon : Pour une double raison. La première, est une blessure d’enfance probablement jamais cicatrisée. Suisse par mon père, mais Français par ma mère, je n’ai cessé d’entendre des remarques désobligeantes sur la Suisse de la part d’un oncle maternel. Enfant, j’étais blessé de subir des moqueries sur l’accent traînant des Suisses romands et autres stupidités du même tonneau mais, en l’absence de mon père, je n’étais pas en âge de me défendre sur le sujet. Plus tard, devenu adulte, j’ai continué à être sidéré par l’imbécilité du personnel politique français sur la Suisse. Souvenez-vous du remue-ménage de Nicolas Sarkozy à Interlaken en mai 2014 : il venait d’être battu aux élections présidentielles et, en visite dans la Confédération, un pays voisin et ami, où 150’000 Français frontaliers viennent tous les jours travailler, il s’offrait le luxe de critiquer le système politique suisse et plus particulièrement sa présidence tournante. Quelle arrogance de la part d’un ancien chef de l’Etat français… Suite de l’interview
Corinne ou l’Italie, le roman de Germaine de Stäel
Histoire d’une femme ou guide de voyage ?
Michel Delon, professeur de littérature française du 18e siècle : Le personnage de Corinne est une allégorie ou un symbole de l’Italie, l’histoire de sa vie de femme et de créatrice sert à s’interroger sur le destin d’un pays qui a été essentiel dans le devenir de l’Occident et qui, au tournant du XVIIIe au XIXe siècle, est morcelé et occupé par plusieurs puissances étrangères.
L’Italie est alors un pays marqué par l’emprise catholique et n’a rien de permissif, mais des coutumes comme celle du sigisbée troublent les voyageurs qui ont des difficultés à interpréter ces couples à trois. Corinne représente l’Italie, mais elle est britannique par son père, elle a fui en Italie et la liberté qu’elle revendique est plutôt une conquête personnelle.
Michel Delon : Le personnage de Corinne est une allégorie ou un symbole de l’Italie, l’histoire de sa vie de femme et de créatrice sert à s’interroger sur le destin d’un pays qui a été essentiel dans le devenir de l’Occident et qui, au tournant du XVIIIe au XIXe siècle, est morcelé et occupé par plusieurs puissances étrangères.lire l’interview
Pour l’amour de la Dame aux Camélias
La Traviata sera à l’affiche au Palais Garnier et à la Scala de Milan en novembre prochain, puis au Grand Théâtre de Genève en 2021. A l’origine de cet opéra le plus joué au monde, le roman d’Alexandre Dumas fils : « La Dame aux Camélias », inspiré de sa propre liaison avec la belle courtisane, Marie Duplessis.
Dans le récit, Marie Duplessis apparaît sous les traits de la fictive Marguerite Gauthier. Elle est au plus haut de sa prestance lorsque qu’Armand Duval, comprenez Alexandre Dumas fils, tente d’intégrer le cercle des élus de la courtisane. Après avoir été dédaigneusement éconduit, il parvient à ses fins jouant la carte de l’amour profond, promesse de mariage à l’appui, tout en exigeant qu’elle renonce à ses richissimes amants. Elle consentit cependant à passer l’été avec lui à la campagne, un acquiescement qui le transporta de joie, convaincu qu’elle l’aimait « puisque ma fortune était insuffisante à ses besoins et même à ses caprices. Il n’y avait donc eu chez elle que l’espérance de trouver en moi une affection sincère… » L’histoire serait banale si elle ne reflétait pas… lire la suite
Lausanne, capitale mondiale de la danse.
Chaque hiver depuis 1973, créé à l’origine par un couple de mécènes, Philippe et Elvire Braunschweig, la capitale vaudoise devient le rendez vous incontournable des chorégraphes et compagnies de danse les plus prestigieuses au monde. Leur objectif : lors d’un très sélectif concours, qui dure une semaine, y dénicher la future star mondiale des dix prochaines années.
Cours de danse et coachings, consultation médicale et conseils diététiques, drastiques épreuves de sélection, gala au théâtre de Beaulieu, leur programme sera dense et intense. Mais leur motivation est farouche, tous ont déjà passé avec succès un sévère premier filtre : heureux candidats présélectionnés parmi les 380 danseurs, qui avaient envoyé leur candidature au jury sur vidéo,- ou prometteuses graines de star invitées parce que – déjà très remarquées – lors d’un autre concours de danse à Pékin ou Moscou. lire la suite
Festival Savoy Truffle à Mégève
séduit par sa programmation éclectique
Littérature, musique, films, théâtre, le « Festival Savoy Truffle » à Mégève bouscule les codes par une programmation originale et multidisciplinaire. Le festival rend hommage au patrimoine culturel de toute une région, le Pays de Savoie, et fait la part belle à ses artistes: Renaud Capuçon, originaire de Chambéry, le skieur de l’impossible et rescapé de l’Himalaya Sylvain Saudan, l’harpiste Xavier de Maistre, sans parler du célèbre auteur Eric-Emmanuel Schmitt qui se met volontiers en scène pour « rompre la solitude de l’écrivain… » ou encore la projection de films tels que le Guépard avec Alain Delon, une épopée au temps où le duc de Savoie régnait sur l’Italie. Il y a trois ans déjà que l’idée du festival a germé dans l’esprit des fondateurs désireux de mettre sur pied un événement singulier de haute qualité. Rien d’autre qu’un savoureux cocktail de plaisirs culturels qui s’adresse à un large public sans oublier les enfants. Tous les soirs, le KidsCorner leur propose des représentations théâtrales, lectures de fables ou ateliers, libérant ainsi leurs parents pour courir d’autres événements.. lire la suite
Le roman Adolphe de Benjamin Constant passionne toujours. Interview avec François Rosset
Deux cent ans après sa publication, Adolphe de Benjamin Constant continue de nous passionner. L’œuvre raconte la vraie misère du cœur humain. C’est du moins ainsi que son auteur l’a définie. Après avoir courtisé avec assiduité Ellénore, une belle polonaise mère de deux enfants, Adolphe est pris au piège de sa liaison étouffante y rencontrant encore du plaisir mais n’y trouvant plus de charme. Or que faire contre un sentiment qui s’éteint.
Quelles sont les femmes qui ont inspiré à Benjamin Constant le caractère d’ Ellénore ?
François Rosset : La première chose à dire à propos d’Adolphe mais aussi de Corinne, c’est que ce sont des romans, des œuvres littéraires, c’est-à-dire des univers de récréation; ce ne sont pas des chroniques mondaines, ni non plus des transpositions autobiographiques simplistes. Germaine de Staël n’est ni plus, ni moins présente dans le filigrane du personnage d’Ellénore que les autres femmes que Benjamin Constant a rencontrées, désirées et aimées ou que certaines figures féminines de fiction qu’il a rencontrées dans ses lectures. Mais c’est une chose que le public, gavé de « peopleries », a beaucoup de peine à comprendre; et c’était déjà le cas à l’époque. C’est pourquoi, si Germaine de Staël s’est offusquée, ce n’est pas tant à la lecture du roman de Constant qu’elle connaissait très bien, mais à cause des ragots qui ont commencé à circuler à la publication d’Adolphe en 1816 et qui l’identifiaient à Ellénore…Lire l’interview