Raffaella Bruzzi : l’art dans toute sa vérité

Avec l’exposition « Odyssée », la palette bleutée de Raffaella Bruzzi invite à une évasion sereine entre mer et ciel, au plus près de ses émotions.

Avant de se consacrer pleinement à la peinture, l’artiste italo-suisse, diplômée de l’école polytechnique de Milan, a posé ses valises au bord du Léman en 2004 pour entreprendre un doctorat à la Faculté de biologie et médecine. Ce parcours singulier, à la croisée des sciences et de la sensibilité humaine, l’amène tout naturellement à exposer à la Galerie de l’hôpital de Morges. Un geste bienveillant. Là, plus qu’en tout autre lieu, l’art distille sa lumière apaisante. Confidences.

Damier : Quelle est la genèse de l’exposition Odyssée ?

Raffaella Bruzzi : L’exposition Odyssée est le fruit d’une rencontre avec Irene Wasserman, responsable de la Galerie de l’Hôpital de Morges et des projets culturels de l’EHC, lors de mon exposition à la Fondation L’Estrée l’an passé. Touchée par plusieurs œuvres de ma série Il mio Mare, jusque-là présentée de façon fragmentaire, elle a souhaité offrir au public une immersion complète dans cet univers chromatique.
Pour la première fois, ces toiles se retrouvent rassemblées, dialoguent entre elles, et déploient toute leur puissance émotionnelle. Rassemblées, ces œuvres produisent un effet presque physique : on est entouré, enveloppé, bercé par une sensation de vague, d’onde, de souffle.
Nous avons voulu créer un espace visuel qui évoque l’aventure humaine, intime et universelle.

Que cherchez-vous à transmettre à travers cette exposition lumineuse dans un environnement hospitalier ?

Exposer dans un lieu de soin donne une résonance particulière à mon travail. C’est un espace porteur d’une densité, d’une fragilité, d’une attention à l’autre — autant de dimensions qui font profondément écho à ce que je cherche à transmettre. Et comme il s’agit de l’exposition d’été, Odyssée prend un sens encore plus fort. Elle devient une invitation au voyage pour celles et ceux qui ne peuvent partir. Elle apporte la mer à l’hôpital, le mouvement à l’immobilité, des fenêtres vers un ailleurs plus doux. J’espère qu’elles accompagnent les patients, le personnel, les visiteurs — pour réconforter, peut-être même pour éveiller quelque chose de plus profond : une sensation d’unité, de présence à soi.

Vous évoquiez que vos œuvres sont le miroir de votre âme, revenir toujours au cœur de soi-même, est-ce une forme de méditation ?

Absolument. Créer me rappelle chaque jour que la beauté peut surgir de la complexité, que la lumière peut coexister avec les zones d’ombre. Peindre devient un acte de présence, une manière de faire résonner l’invisible. C’est un voyage intérieur, certes, mais profondément tourné vers l’autre. L’œuvre devient un lieu de rencontre, un miroir de l’âme dans lequel chacun peut projeter une part de soi et, ce faisant, ressentir une forme de lien, d’humanité partagée. 
Créer de l’art, c’est une respiration essentielle, un besoin vital de connexion à moi-même et aux autres. 

Quel est l’impact de vos études d’ingénieur sur votre peinture ? 

L’ingénierie m’a appris la cohérence, la rigueur, le sens de la structure. On pourrait croire que cet héritage rationnel s’oppose à la liberté de l’abstraction. Mais au fond, dans les deux cas, il s’agit d’une même démarche de recherche. Simplement, ce langage ne me suffisait plus pour exprimer ce que je portais en moi. J’éprouvais le besoin d’explorer un champ plus vivant, plus vaste, plus intime — un espace qui dépasse la seule logique. C’est un espace où je ne cherche pas de solution, mais une résonance. Et parfois, ce que l’on ressent dépasse la raison et touche à quelque chose de bien plus puissant. Il y a aussi cette notion de liberté. Dans l’abstraction, je peux me détacher des règles, accueillir l’inattendu, improviser, me perdre. 

Un peintre  suisse qui vous inspire ?

Je mentionne trois peintres, Ferdinand Hodler, Kurt von Ballmoos et Pietro Sarto, auprès desquels le ciel, l’espace infini et la lumière occupent une place centrale. Ces éléments imprègnent leurs œuvres d’une gravité, d’une humanité et d’une dimension mystique qui résonnent avec ma propre démarche artistique.

Propos recueillis par Ann Bandle

Exposition Odyssée
Galerie de l’Hôpital de Morges
Chemin du Crêt 2, Morges

Ouverture au public tous les jours de 14h à 20 h.
Jusqu’au 5 septembre 2025.