Après avoir publié le portrait de Gustave Courbet dans « La Claire Fontaine », David Bosc se penche sur la destinée de Sonia Araquistáin, une artiste disparue tragiquement.
L’histoire est troublante. Sonia Araquistáin, vingt-trois ans, se suicide en sautant par la fenêtre de sa chambre un matin de septembre 1945, entièrement dévêtue. Elle vivait avec son père, ambassadeur d’Espagne, à Queensway, Bayswater.
Qui était Sonia Araquistáin, cette artiste mystérieuse dont on a jamais entendu parler? Disparue prématurément, elle a laissé peu de traces. Quelques articles parus à l’époque des faits n’éclairent guère sur les tourments qui l’ont précipitée dans le vide et attribuent son geste fatal à… un déséquilibre mental. Une hérésie pour le poète surréaliste Georges Henein qui lui rend un hommage bouleversant « …Pour que cette femme déploie l’éventail de sa chute, pour qu’elle gifle à jamais l’indolence de l’espace, pour que de son beau visage de cristal brisé, elle épouse la terre ferme, creusez… »
Dans « Mourir et puis sauter sur son cheval », David Bosc creuse les rares indices pour nous raconter cette femme si singulière. A travers un journal imaginaire, il reconstitue les moments émouvants de sa brève vie d’artiste, invente ses notes de lectures, ses projets et croquis inachevés. Sonia, que seul l’art apaise nous parle de sa passion « dans le dessin aucun trait n’est premier. Il n’y a pas de point final. …» avant de détailler « j’ai commencé un nouveau portrait de papa dans son fauteuil, je n’ai fait que l’oreille,… et ce matin, j’ai compris que je ne dessinerai plus de visages. J’ai d’abord dédoublé l’oreille symétriquement, en papillon, en adoptant le rythme des circonvolutions de la chair et du cartilage ».
Sans se soucier de l’heure ou du temps qui passe, Sonia erre de plus en plus tard dans la nuit, dévalant les ruelles londoniennes, tourbillonnant au gré de ses envies comme exaltée par une soif de liberté inassouvie. Au détour d’un chemin, elle nous glisse quelques confidences sur ses amants comme ce jeune Hongrois qu’elle a écouté pendant des heures, se laissant envelopper par cette langue « aux propriétés de parfum ».
« Je ne sais à peu près rien de la vraie Sonia, Sonia Araquistáin, des bribes, ce ne sont ici que fantaisies.… » reconnaît David Bosc. La vraie Sonia est pourtant bien présente. Une photo d’elle, à la dernière du livre, nous montre une jeune femme aux traits harmonieux, un beau visage pâle, des yeux qu’elle aurait aimé bleus. La tête légèrement baissée, elle sourit. Une belle fin pour ce roman brillant et intense.
David Bosc est né en France et vit à Lausanne depuis de nombreuses années. Il a également brossé le portrait de Gustave Courbet, « La Claire Fontaine » publié en 2013 , sélectionné pour le Prix Goncourt et lauréat du Prix Marcel-Aymé, du Prix Fédéral de littérature et du Prix Thyde Monnier de la SGDL.
Ann Bandle