
Cette experte en œuvres du XIXème siècle, membre de la Chambre nationale des experts spécialisés à Paris, signe une biographie passionnante et attachante sur son talentueux aïeul, peintre et mécène généreux. C’est grâce aussi au leg de Gustave Caillebotte à l’État d’une partie de sa collection, que les visiteurs du Musée d’Orsay ont le bonheur d’y admirer des toiles devenues aussi emblématiques du mouvement impressionniste que Le Balcon d’Édouard Manet.
Stéphanie Chardeau Botteri sera en dédicace au Salon du Livre amopalien, mercredi 15 octobre 2025, à la mairie du 7eme arrondissement de Paris, à partir de 14 heures.
Damier : On connaissait déjà Gustave Caillebotte, peintre talentueux de toiles désormais iconiques, comme Les Raboteurs de parquet et Rue de Paris, temps de pluie, mais à la lecture de votre livre, c’est aussi un mécène, un chef de troupe et un ami formidable que l’on découvre. Votre aïeul a joué un rôle clé dans l’émergence et la postérité des impressionnistes, n’est-ce pas ?
Stéphanie Chardeau Botteri : Vous avez raison, Gustave Caillebotte a été, dès 1875, un des grands amis et soutien financier de Renoir, Monet, Degas et Pissarro. Son père Martial étant décédé en 1874, Gustave hérite jeune et met cette somme au service de ses amis peintres en achetant leurs œuvres pour les soutenir. Il choisissait toujours des œuvres très innovantes pour l’époque, parfois trop modernes pour être achetées par le public. Il était connu pour cette petite phrase : « Personne n’en veut, j’achète ! ». Il choisissait toujours avec un œil sur, clairvoyant, audacieux.
En parallèle, il joua le rôle d’agent artistique en aidant sans relâche les artistes pour les expositions organisées en marge du Salon officiel. Trouvant les locaux, les louant, payant les divers frais comme les cartons d’invitations ou les catalogues.
Il essaya aussi, pendant toutes ces années, de conserver une bonne entente entre les peintres – aux caractères différents – afin que le groupe reste uni, soudé. De nombreuses correspondances avec les artistes l’attestent ; elles sont retranscrites dans mon livre sous forme de dialogues.
Damier : Malgré son investissement majeur dans la peinture, en tant que collectionneur et artiste, Gustave avait de nombreuses passions, comme les timbres et la voile. Comment pouvait-il trouver le temps de mener avec une telle intensité tous ces hobbies?
Stéphanie Chardeau Botteri : Le mot qui décrit le mieux Gustave Caillebotte est la passion.
C’était un homme passionné : passionné par le mouvement impressionniste, la nouvelle peinture, par le philatélie, les régates, l’horticulture. Pour s’investir ainsi dans toutes ces activités, je pense que c’était un homme rapide, qui allait vite.
Dans de nombreuses lettres, on voit du reste, qu’il n’aimait pas perdre son temps ; par exemple il détestait les longues réunions interminables qui n’aboutissaient pas ! Il était très scrupuleux, attentionné aux détails mais il fallait que cela progresse rapidement. C’est ainsi qu’il pouvait faire autant de choses.
Damier : Au fil des pages de votre ouvrage, l’identité et la vraie vie de ceux qui ont inspiré les toiles les plus célèbres de Renoir ou de Gustave apparaissent (Je pense par exemple à Charlotte Berthier, madame Charpentier, le libraire E.J Fontaine…). Comment avez-vous plongé dans l’intimité de Gustave et de ses amis ?
Stéphanie Chardeau Botteri : C’est par les différentes lettres que j’ai pu avoir accès à l’intimité de Gustave et de ses proches.
Damier : La famille de Gustave était à la fois à la pointe de la modernité et aussi très connectée à la nature. Son père avait acheté une résidence secondaire à Yerres en Seine-et-Oise, il y a une orangerie, une glacière, une ferme avec écuries, étable, volière, mais il décide d’habiller la laiterie en petit chalet suisse, parce que c’est le goût de l’époque ou la famille a-t-elle un tropisme pour la République helvétique ?
Stéphanie Chardeau Botteri : La famille Caillebotte aimait à se ressourcer dans la nature. Elle prenait la peine d’atteler toutes les semaines une calèche pour se rendre à Yerres afin d’être au plus près de la campagne, des animaux, de la rivière où les jeunes canotaient sur de longues périssoires. Martial Caillebotte père a du tres certainement s’inspirer de la Suisse pour transformer sa laiterie en un petit chalet suisse ! Aujourd’hui, ce petit chalet existe toujours, il abrite un restaurant en face de la Maison Caillebotte.
Damier : Qu’avez- vous appris vous-même en menant l’enquête sur Gustave ?
Stéphanie Chardeau Botteri : Même si j’ai baigné dans l’histoire des Caillebotte dès ma naissance par mon arrière-grand-mère Geneviève Caillebotte (la nièce de Gustave) que j’ai connue jusqu’à mes quatorze ans, j’ai dû mener certaines enquêtes pour être au plus près de la vérité. C’est ainsi que j’ai découvert que j’avais cette même impatience et ce même caractère passionné.
Propos recueillis par Béatrice Peyrani


