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Littérature romande, toute une histoire

200px-rodolphe_toepfferA la fois chef-d’œuvre et ouvrage de référence, « Histoire de la littérature de la Suisse romande » se lit aussi aisément qu’un roman. Cette nouvelle édition rassemble les quatre tomes édités entre 1996 et 1999, épuisés depuis longtemps, et intègre plus d’une centaine de jeunes auteurs tels que Noëlle Rivaz, Blaise Hofmann ou encore Joël Dicker.

A l’origine de ce travail gigantesque, Roger Francillon, professeur émérite de littérature française à l’Université de Zurich et fervent défenseur des lettres romandes. Depuis plus de trente ans, il ressuscite les auteurs romands, trop vite oubliés. Invité récemment par la Société de lecture, il a présenté quelques pépites, pimentant son récit d’anecdotes.

Pour commencer, le Genevois Rodolphe Töpffer qui connut un succès considérable de son vivant. Grâce à la dot de son épouse, Töpffer fonde un pensionnat pour garçons à Genève, étrangers pour la plupart. Ce pédagogue inventif partage avec ses élèves sa passion pour le théâtre, la littérature, mais aussi les randonnées pédestres. A la belle saison, les cours se poursuivent en pleine nature. On esquisse les reliefs du paysage, on note ses impressions… Ainsi sont nés les Voyages en zigzag qui nous ont tant charmés par leurs pages délicates et sensibles.

Rousseau, modèle littéraire des auteurs romands

Interrogé par Sainte-Beuve, Töpffer aurait confié avoir pour modèles littéraires de nombreux auteurs et plus particulièrement Rousseau « bien que le personnage et son œuvre n’aient pas été très appréciés au 19e siècle » rappelle Roger Francillon et qu’au-delà de ces ostracismes « il me paraît capital de voir dans Rousseau et précisément dans La Nouvelle Héloïse, Les Confessions ou Les Rêveries, le modèle incontournable de la genèse littéraire de Töpffer à Pourtalès ».

Dans la Revue des Deux Mondes, Saint-Beuve relève que « Monsieur Töpffer est de Genève, mais il écrit en français, en français de bonne souche et de très légitime lignée, il peut être dit un romancier de la France » avant de poursuivre « c’est une étrange situation que celle de ces écrivains qui, sans être Français, écrivent en français au même titre que nous… ».

Le monumental journal intime de Henri-Frédéric Amiel

Contrairement à Töpffer, Henri-Frédéric Amiel ne peut se targuer d’avoir conquis un lectorat. Dans son mémoire, il défend la naissance d’une littérature romande indispensable pour se démarquer fondamentalement de l’esprit français qu’il critique sans détour « D’un bout à l’autre de l’histoire de France, on retrouve ces traits de caractère national qui sont l’irréflexion et l’incapacité des Français à appréhender la réalité dans son unité ». D’autres avant lui ont relevé la superficialité des Français comme Rousseau ou Bridel. Cette méfiance envers la France et sa politique de grande Nation sont le corollaire de l’amour pour sa patrie analyse Roger Francillon. Cela dit, les poèmes et publications d’Amiel n’ont guère été appréciés à l’exception de son journal intime, un monument de 16900 pages publiées posthume et que l’Europe entière applaudit jusqu’à Tolstoï. Les dernières années de sa vie, Tolstoï ne lisait plus que deux livres, le Nouveau Testament et le Journal intime d’Amiel.

L’invasion de la modernité

Toujours avec verve, Roger Francillon nous fascine encore en relatant les souvenirs d’enfance de  Philippe Monnier. Dans ses récits de la fin du XIXe siècle, Monnier évoque la campagne perdue, la disparition des métiers, l’invasion de la modernité… cela fait sourire. Puis, il enchaîne par quelques mots sur notre grand poète, écrivain et photographe vaudois Gustave Roud, et d’autres écrivains tout aussi talentueux Henri de Ziegler, Charles Ferdinand Ramuz… Mais le temps file et Roger Francillon nous quitte déjà sous un tonnerre d’applaudissements. Retrouvez-le et tous les auteurs romands dans cette magnifique encyclopédie.

Ann Bandle

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Editions ZOE – 1728 pages