C’est un Victor Hugo âgé, au corps noueux mais vigoureux, aussi nu et athlétique qu’Apollon, qui vient d’intégrer la fabuleuse collection de la Fondation d’art à Martigny. La statue, réalisée à partir d’un plâtre d’Auguste Rodin, soulève l’émotion. Léonard Gianadda, les larmes dans la voix, rend hommage aux deux monstres sacrés.
À l’origine de ce bronze inédit, une amitié indéfectible entre le père des Misérables et Rodin. Régulièrement invité à la table de Victor Hugo, le statuaire esquisse son portrait entre deux coups de fourchette avant de poursuivre son travail dans la véranda. Là, il est autorisé à façonner les traits du grand homme dans la glaise, déployant une précision infinie. « J’ai pu obtenir un Hugo qui est vrai », estime le sculpteur satisfait. Le résultat est éloquent : le visage du romancier est concentré, déterminé, le corps en mouvement prêt à affronter de puissants combats.
Pourtant, plus d’un siècle après la mort de Rodin, le plâtre n’a jamais été moulé. Sa dimension d’abord – d’une hauteur de 2,10 mètres – et le prix élevé du bronze sont ici évoqués. Abandonnée dans la Galerie des plâtres de la villa des Brillants à Meudon, la tête et les bras détachés du corps, la statue attendait son heure.
Le coup de maître de Léonard Gianadda
Grâce à la détermination et la force de persuasion du collectionneur valaisan, l’œuvre de Rodin va enfin naître. Léonard Gianadda négocie les droits de faire réaliser trois exemplaires de la sculpture. Commencent alors de longues recherches, à l’aide de croquis et de traces écrites, pour recoller fidèlement les morceaux épars du plâtre, tel que Rodin l’avait initialement créé.
Sous la haute protection du Musée Rodin, les originaux numérotés sont fondus par la Fonderie d’art de Coubertin, et financés par le mécène. Outre le bronze récemment inauguré à Martigny, l’une des statues gagnera le jardin du Musée Rodin à Paris, l’autre est livrée au Musée d’art à Besançon, ville natale de Victor Hugo, pour rejoindre bientôt la future grande bibliothèque.
Un collectionneur effréné
À 87 ans, Léonard Gianadda assure mettre un terme à sa frénésie de collectionneur…. jusqu’au prochain coup de cœur. La sculpture de Victor Hugo, qui est aussi la quatrième acquisition signée Auguste Rodin, enrichit son impressionnante collection, dont chaque œuvre est liée à une histoire, à une émotion toute personnelle.
Généreux mais avant tout passionné, l’entrepreneur, devenu mécène, a doté Martigny des plus extraordinaires ronds-points, véritables socles à chefs-d’œuvre. Courbet, Erni, Carron, Michel Favre,… près d’une vingtaine de sculptures métamorphosent la cité romaine en cité des arts. Une idée prodigieuse parmi tant d’autres !
Ann Bandle
En savoir plus :
Fondation Pierre Gianadda – Martigny
Exposition en cours :
Henri Cartier- Bresson : collection Sam Szafran
Jusqu’au 20 novembre 2022
Prochain événement :
Concert : 101 ans d’Astor Piazzolla, Dogma Chamber Orchestra.
Mardi 27 septembre 2022 à 20h.